Alors que le conflit syrien se prolonge et acte sous un jour belliqueux la ligne de démarcation sunnites/chiites, le récent coup d'Etat en Egypte anonce de nouvelles perspectives conflictuelles dans le monde Arabe, et musulman.
Passons sur le fait que le premier Chef d'Etat à avoir salué le coup fut Bachir Al Assad, ce qui est à la fois bien joué de sa part et gêne aussi bien ses adversaires que l'Ouest supposé légitimiste et démocrate.
Evidence
Au-delà des motifs boutiquiers qui ont animé les médiocres généraux du Caire et leurs complices dans la sphère judiciaire -tous vestiges de la période Moubarakh- on voit très facilement comment l'éviction peut plaire à certains: Israël bien sûr, qui craignait que l'accord entre les Frères Musulmans et le Hamas ne lui nuise; les USA , qui considérait ne pas avoir assez d'emprise sur Morsi et son collège, etc. De ce côté-là, rien d'inattendu.
Démasquage
Mais la vraie surprise c'est l'attitude des bailleurs de fonds du coup d'Etat.
En effet, l'Arabie Saoudite aussi bien que les Emirats Arabes Unis puis avec un oeu de retard le Koweit annoncent clairement la couleur.
Les sommes énormes que ces potentats fermés et rigides offrent (virtuellement, jusque-là) à l'Egypte disent certes qu'ils ne veulent pas que le pays arabe le plus peuplé ne sombre dans le chaos.
Mais en intervenant quelques jours après le renversement de Morsi, ils proclament aussi que cette perspective ne les gênait pas tant qu'un Frère Musulman était au pouvoir (d'autant qu'il l'était démocratiquement, double tâche).
Cette connivence met en lumière l'affrontement sourd qui les oppose au Qatar depuis des années. Le Qatar qui les pique sans cesse au moyen d'Al Jazeera et de ses placements hautement médiatiques en Occident, de son intervention à Gaza, de son appui maintes fois affiché à Morsi.
Le Qatar, qui vient juste de changer de patron.
L'idée de ces trois puissances, en venant au secours des galonnés egyptiens, est donc bien aussi de faire pression sur un petit pays au rayonnement considérable et au comportement imprévisible.
On peut imaginer que le Qatar sera obligé de faire le dos rond quelque temps, avant de renverser la vapeur ultérieurement.
Déchirures arabes
proximités dangereuses
Bonneteau du Moyen-Orient
le Rubik's cube autour de Damas
La mauvaise évaluation (quant à son incertitude, sa durée et sa brutalité) du conflit interne Syrien par ses voisins et les chancelleries occidentales risque de voir tout l'environnement basculer dans une succession incontrôlable de micro et macro aventures guerrières.
Un déplacement des intérêts, des dangers et des perspectives est déjà visible; des renversements d'alliance s'opèrent; des montées et des descentes en puissance changent la (les) donne.
Petit tour non-exhaustif des participants:
Turquie
Il semblait à Erdogan qu'il disposait en fustigeant Assad d'une opportunité -s'ajoutant à sa spectaculaire brouille avec Israël -pour devenir le héros des masses musulmanes du Moyen-Orient.
Voilà que la guerre civile s'éternise, que ses villages frontaliers subissent des attentats, que le nombre de réfugiés syriens suscite des rejets.
Tout ça est très mal vu des investisseurs qui étaient jusqu'ici attirés par les taux de croissance élevés du pays.
Là-dessus, il devient de plus en plus clair que l'armée Turque dont l'état-major a subi de profondes purges est peu flexible, pas très efficace, balourde et peu motivée, ce qui ternit l'aura du pays.
Connu pour son entêtement et sa tendance à la jouer en solo, Erdogan n'en a pas moins avalé son chapeau en renouant (en catimini et sous la pression US) le dialogue avec Israël , perdu de son lustre auprès de la population (les manifs à Taksim) et que des tensions apparaissent même entre les chefs de son parti.
S'y ajoute ainsi qu'on l'évoquait la rivalité de plus en plus préoccupante avec Téhéran.
Irak
Les USA font semblant d'avoir rempli leur contrat avec l'Irak : avoir amené la démocratie et quitté le pays une fois le calme revenu.
De démocratie il n'y a guère puisque les chiites ont pris le pouvoir en rognant considérablement ceux des sunnites et des Kurdes (lesquels ont par ailleurs quasiment pris leur indépendance, mais c'est matière à un autre sujet. Le clan Maliki n'est pas disposé à partager.
De calme il n'y a pas tellement puisque le rythme des attentats est tel qu'on compte autant de victimes par mois en 2013 que dans les pires moments de 2006 (environ mille par mois, un chiffre qu'il conviendrait de considérer attentivement).
D'autant que l'Irak constitue un des couloirs préférés par où passent les armes depuis l'Iran vers Damas,et qu'il devient de plus en plus clair que Baghdad est maintenant un joueur autonome prêt à former un grand bloc chiite, ce qui est quelque peu inquiétant pour l'Arabie Saoudite , la Turquie , les USA et Israël .
Iran
Tant que la guerre civile continue et qu'Assad s'accroche, Téhéran dispose d'un levier puissant dans les discussions (qui s'affaiblissent d'ailleurs) tournant autour du nucléaire . On retrouve aussi ce qu'on a appelé "le Grand jeu" quand la Russie tsariste s'opposait à l'Empire britannique pour la mainmise d'Asie Centrale, mais cette fois ce n'est plus une marionnette qui détient le pouvoir persan, et l'on commence à jouer avec la carte des ambitions d'une Russie avide de retrouver son lustre passé.
S'y ajoute la donne d'un Hezbollah certes moins autonome mais pour l'instant toujours aussi fort militairement (bien plus que l'armée syrienne, ce qui ne laisse pas d'inquiéter Tel-Aviv même si la capitale isarelienne espère que le bourbier syrien finisse par affaiblir l'armée du Parti de Dieu et réduise considérablement son aura auprès des Arabes).
Israël
Pour une fois, l'équipe au pouvoir est parvenue à demeurer discrète.
C'est tout à son avantage dans une partie dont il est de plus en plus dur de prévoir les étapes futures. Bien sûr, quelques démonstrations d'artillerie et de missiles tirés depuis ses avions ont rappelé à Damas et alentour la qualité de frappe de Tsahal , mais Israël est suffisamment inquiète et informée pour se rendre compte qu'un geste de trop pourrait troubler l'actuel conflit qui nuit tant à ses adversaires de toujours.
Car inquiète, Israël peut l'être: pour une fois elle n'est pas du tout l'acteur qui imprime le mouvement.
Après avoir raté les occasions de se rapprocher de certaines capitales du Moyen-Orient lors du "printemps arabe", elle n'ignore pas que ceux qui actuellement s'entretuent pourraient bien se retourner contre elle en cas de déconfiture trop flagrante ou d'arrangements destinés à sauver la face.
Russie .
L'invitée inattendue. D'un point de vue stratégique et diplomatique, Moscou est pour l'instant le grand gagnant de cette boucherie. En s'opposant depuis le début à toute éviction de Bachar al Assad et en lui fournissant les moyens de résister (voire de vaincre) elle est parvenue à réintégrer franchement le débat.
Tout le monde occidental s'était offusqué de l'appui russe à un tyran massacreur, condamnant même l'ex-puissance soviétique d'oublier toute humanité afin de vendre ses armes et d'ainsi gagner quelques millions.
C'était ignorer l'énorme ardoise de la Syrie, incapable depuis longtemps d'honorer ses factures.
Aujourd'hui, devant l'inconsistance américaine et la faiblesse européenne la Russie est le seul acteur étranger à peser sur le conflit, au point où elle a atteint le statut d'égal des USA , un état qui ne lui était plus arrivé depuis des années.
USA
Que dire qui ne soit manifeste? Le président Obama semble une nouvelle fois démontrer sa faible capacité à négocier et jouer du rapport de forces. Après ses reculs devant Al Maliki d'Irak , devant Hamid Karzai d'Afghanistan , Netanyahu d'Israël , il se retrouve en position étonnament affaiblie face à un Poutine qu'il lui aurait été pourtant facile de réduire au silence il y a deux ans.
On peut dorénavant craindre que l'Amérique abandonne hypocritement la direction des opérations à Israël ou, au contraire, surcharge militairement sa réponse, avec la finesse du pied de géant dans la fourmillère et les conséquences dramatiques habituelles.
Quelque soit l'avenir de la farce-conférence de Genève 2 Moscou pourrait bien, si les USA la jouent aussi mal que ces trois dernières années, influer sur chaque étape de la politique de cette région du monde.
Un cauchemar pour la Turquie , une obligation pour l'Europe de reconsidérer sa politique (sic) de défense , et des répercussions énormes dans le jeu stratégique en Asie, où le spectacle d'une Amérique pataude ne pourra que jouer en faveur des Chinois.
Mai 13
09
Quitter Kaboul
Lorsque les Britanniques quittèrent Kaboul suite à une tentative ratée d'occupation de l'Afghanistan , ils tentèrent de rejoindre ce qui est aujourd'hui le Pakistan en passant par Jalalabad, puis de franchir la passe de Khiber. |
Jan. 13
18
Mali, ou la dévaluation de l'otageune nouvelle phase dans l'assymétrie
Lorsqu'ils sont survenus, les deux éléments rapprochés dans le temps qu'ont constitués l'intervention française au Mali pour stopper les djihadistes (uniquement dénommés "terroristes" par le président français) et la prise d'otage massive d'in Amenas en Algérie, les principaux observateurs n'ont pas relevé un point commun fondamental dans la réponse des gouvernements français et algériens: l'éventualité consentie du sacrifice des otages.
A l'heure où la débilité manifeste de l'UE est frappante qui voit l'Allemagne trembler d'avoir osé prêter un avion de transport à son principal partenaire, Paris; quand Mr. Cameron qu'on a connu plus audacieux se contente lui aussi de prêter des avions de transports tout en se rengorgeant que le Royaume-Uni a été le premier à venir en aide à la France, et jurer qu'il n'enverra pas de troupes au sol; quand le silence des deux pays européens aux premières loges -l'Italie et l'Espagne- est proprement assourdissant, on peut se demander si Hollande ne va pas saisir l'occasion pour peser plus fortement sur les autres sujets qui jusqu'ici animaient les sommets européens, comme l'économie . |
Fév. 12
14
Damas, entre Ankara et Téhéran
La répression impitoyable du régime contre les manifestants et les combats qu'ils entraînent, avec leurs lots de victimes et d'horreurs, provoquent à juste titre beaucoup d'émotions. |
Déc. 11
09
ménage à trois
Dans un trio il faut toujours faire partie des deux |
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