La répression impitoyable du régime contre les manifestants et les combats qu'ils entraînent, avec leurs lots de victimes et d'horreurs, provoquent à juste titre beaucoup d'émotions.
Le consensus occidental et sa collusion avec la Ligue Arabe réchauffent sans aucun doute bien des coeurs et à contrario provoquent de l'incompréhension devant les réticences de l'Afrique du Sud, de l'Inde (qui a très finement joué le coup) mais surtout de la colère contre les vetos de la Chine et de la Russie .
Au point où les Chinois tentent dorénavant de réparer les dégâts en termes de relations publiques, sans rien lâcher d'ailleurs sur le fond.
Pour autant, les séances du Conseil de Sécurité de l'ONU sur la Syrie ne sont en rien un remake de l'épisode Lybien.
Au-delà du sort du sinistre régime de Bachar El Assad se joue une partie complexe, dont l'issue pourrait changer la donne dans un cercle dépassant largement la Syrie, Israel et le Liban .
Tout d'abord pour les deux puissances locales majeures que sont la Turquie et l'Iran , déjà bien impliquées depuis Janvier.
A moins de faire l'autruche, il est en effet difficile de ne pas remarquer la chronologie de la montée en puissance des manifestants et du tournant armé qu'a soudainement pris la contestation: peu de temps après la dernière visite de Davutoglu, l'éminent Ministre des Affaires Etrangères Turc , à la fin de l'automne au cours de laquelle Ankara avait soumis à Damas un plan de sortie de crise, plan accepté la main sur le coeur par Assad, la répression s'est accrue, la riposte armée aussi.
L'enjeu pour Téhéran est bien entendu de maintenir avec Damas les liens qui permettent à ces deux pays de jouer contre Israël une partie un peu délocalisée, pleine de contournements notamment par le truchement du Liban et du Hezbollah (le Hamas ayant très rapidement décidé de se désolidariser de Damas).
Le positionnement diplomatique et géographique de la Syrie constitue pour le régime des ayatollah un rempart et un pivot puissants contre les manoeuvres de Tel-Aviv, de Ryad et bien sûr, de Washington : sans Damas, l'Iran se retrouverait encore plus isolé.
Ce qui explique bien sûr l'intérêt de Moscou à ce que l'homme fort de Damas lui soit dépendant, lui achète des armes et lui garantisse une base navale en Méditerrannée, une épine gênante dans le bassin américain.
A cela s'ajoute l'intérêt de New-Delhi à ce que l'Afghanistan ne tombe pas entièrement entre les mains des Pakstanais, une perspective qui n'enchante pas non plus les Iraniens.
Il y a donc une confluence d'intérêts d'intensité variée entre tous ces joueurs, obligés cependant de rester relativement discrets pour ne pas pousser Ryad à l'hostilité franche, l'Arabie Saoudite étant de plus en plus inquiète des développements au Yemen et tentée, après sa quasi-mainmise sur Bahrein, à agir de plus en plus ouvertement en tant qu'allié objectif d'Israël , une étape pour l'instant freinée par l'irresponsabilité stratégique du gouvernement de Tel-Aviv, notamment dans le domaine des implantations coloniales.
D'où l'intérêt pour la Turquie de s'emparer de la tour cardinale que représente son voisin la Syrie, et qui va au-delà des liens économiques et commerciaux très importants que ces deux pays entretiennent depuis des années.
La relation d'Ankara avec le rival/partenaire que représente l'Iran est devenue de plus en plus complexe, et l'incertitude au sujet du programme nucléaire Perse ne fait qu'alimenter la nécessité pour les Turcs de manifester leur rôle prééminent.
Faire tomber Assad serait un signal fort que le parti au pouvoir en Turquie pourrait adresser non seulement à l'Iran mais aussi à Israël avec qui la brouille ne s'est pas arrangée malgré plusieurs rencontres menées en terrain neutre sous la pression US.
Mais aussi, et ce n'est pas le moindre,rappeler à Ryad, Moscou, au Caire et à l'UE que plus rien ne peut au Moyen-Orient se jouer sans l'aval d'Ankara .
C'est aussi un message fort envoyé à un Irak qui reprend du poil de la bête.
Ce serait également à n'en pas douter un signal envoyé partout dans le "Monde Arabe" et c'est peut-être aussi pour faire face à cette montée en puissance qu'aussi bien le Qatar que l'Arabie Saoudite ont manoeuvré pour que le Maroc dépose la dernière résolution à l'ONU : impliquer le Maghreb afin d'empêcher la Turquie de profiter des mouvements dits du "printemps arabe" séduits par la perspective de se rapprocher de la seule démocratie musulmane moderne de la région plutôt que de plier perpétuellement sous les caprices des rois du pétrole .
Damas, entre Ankara et Téhéran
Le cycle de la Grèce
On admet communément que le concept de démocratie est né en Grèce; que la Grèce est intellectuellement, philosophiquement et politiquement à la source même de l'Europe , à qui elle a d'ailleurs donné le nom.
L'Histoire, dont on sait qu'elle ne se répète pas, va dérouler l'épisode selon la dimension cyclique qui régit les affaires du monde.
La Grèce devrait en effet nous offrir le spectacle du délitement complet de l'Europe moderne.
Elle en sera une des causes, mais non la seule puisque l'on peut plus ou moins arbitrairement penser que le Traité de Nice a constitué le début de la fin.
En acceptant l'élargissement de l'Union Européenne sans en modifier les statuts -principalement par le maintien de l'unanimisme, mais aussi en refusant d'avancer vers un gouvernement économique et diplomatique commun- les dirigeants de l'époque, dont les successeurs furent souvent les assistants ont anéanti la dynamique novatrice et créatrice d'une expérience unique dans l'Histoire de l'humanité, qui a vu 27 pays au passé chargé de multitudes de guerres mutuelles se lier et construire ensemble un territoire que l'on croyait partagé.
Alors qu'il n'était que commun.
Les plus importantes banques européennes se sont ruées sur le marché qu'offrait une couverture floue mais réelle de chacun par tous, et accordé des crédits à tout-va.
Certains les ont plus ou moins bien utilisés.
La plupart, enivrés par une manne qui semblait ne jamais devoir se tarir se sont mis à dépenser presque sans compter, et investir presque sans discernement.
Par manque d'imagination (le défaut le plus général et le plus patent de l'UE), par insuffisance intellectuelle et politique ou par nepotisme, plusieurs pays ont simplement dépensé des budgets dans le but de pouvoir en réclamer au moins autant ultérieurement.
On a ainsi vu fleurir des projets immobiliers indécents, inutiles, polluants, défigurants.
On a vu fleurir les autoroutes, qui sont des infrastructures certes utiles mais peu en accord avec une situation géopolitique où le réchauffement climatique , la course au pétrole et les délocalisations de l'industrie automobile auraient dû favoriser la construction de réseaux ferroviaires, de développement d'industries orientées vers l'autonomie énergétique.
Sur ce sujet-là au contraire, les projets rivaux et suicidaires de pipe-line directement branchés sur la Russie ont exemplifiés l'égoïsme et la courte vue des politiques.
Quantité de projets dans les domaines de la défense , de la recherche scientifique, de la santé entre autres ont été démarrés et après avoir englouti de confortables sommes, ont été abandonnés ou réduits principalement du fait de réflexes nationaux voulant favoriser les groupes industriels locaux.
L'innovation en général, à laquelle des crédits fantastiques ont été alloués, (sans commune mesure avec les levées de fonds privés plus limités mais qui ont pourtant permis tant de réalisations outre-Atlantique) a souvent fait défaut à cause d'une bureaucratie démesurée sans contact avec la réalité, incapable de mettre en relation les différents ateliers ou labos.
L'UE a créé quantité de lois, de règles et de mesures, mais peu d'ouverture vers l'avenir, peu de chemins pour sa jeunesse.
Donc, c'est vrai, la Grèce a fauté.
Elle a fauté en construisant des projets inutiles, en favorisant le clientélisme inné au monde politique local, en renonçant au minimum de rigueur et de logique comptable, en falsifiant carrément ses livres.
Mais elle l'a fait sinon avec la complicité de ses voisins, du moins avec le concours de leur courte vue, occupés qu'ils étaient à nourrir leur popularité par l'accroissement de leurs propres dettes qu ileur permettait de cacher leur incurie soi-disant libérale.
Le froid de l'Automne
Aujourd'hui donc chacun comprend que la Grèce ne pourra jamais remplir le contrat passé avec l'UE, l'ECB et le FMI . Les principaux pays tentent de sauver leurs propres banques ridiculement exposées à la dette héllène, et les responsables sont terrifiés à l'idée désormais admise d'une faillite, voire d'une sortie Grecque de l'euro, éventualité qui n'a absolument jamais été envisagée, et qui risquerait de se produire dans un climat de confusion et de panique particulièrement dangereux.
Au dela du choc financier et économique auquel il faut s'attendre, l'éclatement de l'Union telle que nous la connaissons est dans tous les calculs, avec des conséquences politiques que l'on aurait considérées inimaginables il y a quatre ou cinq ans.
Ainsi le durcissement égoïste de certains pays nordiques qui va de pair avec une intolérance de plus en plus inquiétante envers l'étranger, va t'il s'opposer à la rancoeur et la frustration de pays du Sud dans lesquels la jeunesse peut à bon droit estimer qu'elle a été lésée de son avenir, et même de son présent, par les générations précédentes, assises sur les avoirs communs.
Les politiques du Nord comme du Sud, qui sont déjà totalement dépassés par la situation économique, vont démontrer leur égale impuissance devant les déchirements sociaux brutaux qui devraient survenir dans les mois, voire les semaines à venir.
Face à ce spectre le réflexe habituel consistera sans doute à pointer du doigt l'autre, le voisin, le partenaire, avec les risques de dérapage que les fondateurs de l'Union, les Monnet, Schumann, Adenauer, De Gaulle, etc voulaient absolument épargner à ce continent meurtri.
Il faut donc que l'Allemagne et la France (peut-être aussi l'Angleterre) travaillent à remodeler une alliance sur de nouvelles bases, sachant qu'on ne pourra pas revenir à cette Europe des Six qu'on appelait le Marché Commun.
Ce ne sont pas cependant les actuels chefs d'Etat, fragilisés par les échéances électorales, par l'esprit d'improvisation et le manque d'imagination des uns, la rigidité et le repli sur soi des autres, qui semblent à même d'y parvenir.
Il faudra pourtant absolument éviter à l'Europe le passage par une période de violence, dont on peut craindre qu'elle ruinerait l'ensemble de l'édifice.
Il faudra aussi veiller à ce que certains dirigeants de faible envergure politique, apeurés par l'ampleur de la crise, ne cèdent à la dérive totalitaire déjà perceptible ici et là.
Pour paraphraser Churchill on pourrait dire que les chefs d'Etat de l'UE ont préféré la croissance économique à la construction politique, et qu'ils n'auront ni l'un ni l'autre?
Juin 10
13
Les dégâts d'Obama: 1/ la belle paroleNous entamons aujourd'hui, avec l'inconstance qui caractérise ce blog, une série sur les perspectives à prévoir de l'erratique politique internationale Nord-Américaine. *
* * Lors de ses débuts le Président Obama, encore pénétré de l'énergie d'une campagne faite de discours particulièrement brillants et porteurs d'espoir continua de reposer sur la magie du verbe et promit, pas seulement à l'Amérique mais aussi au monde, une recherche de solutions basée sur une approche différente, dénuée du manichéisme de Bush, et plus orientée vers l'échange que vers la contrainte, la promesse plutôt que la menace. Bonnes intentions, avenirs radieux, chaînes brisées, transparence intégrale, rasage gratis, amour sur Terre étaient au programme. S'y ajoutait de manière spectaculaire-car ce 44ème Président des USA est jeune, pourvu d'un passé original et doté d'une expérience personnelle du monde rare chez ses pairs comme chez ses prédécesseurs- une main tendue vers ceux qui avaient pris l'habitude de recevoir chaque matin des seaux d'opprobre de la part du 43ème, G.W.Bush. L'Iran , et même la Corée du Nord , eut droit à cette main tendue devant les micros. Téhéran est un des exemples les plus frappants de ce qui est peut-être un des trois plus gros défauts du jeune président: un mauvais sens du timing (illustré tout récemment par sa décision de ré-autoriser les forages pétroliers en eaux profondes, trois jours avant la catastrophe de Deepwater et BP). Après son fameux discours de la main tendue, Obama ne fit rien devant la réaction méfiante de Téhéran pour faire baisser la tension dans le Golfe Persique: accumulation de navires de guerre, vente de missiles plus sophistiqués à Israël et aux royaumes pétroliers au moment où Tel-Aviv parlait quasi-ouvertement de "prévention" (attaque massive contre les installations nucléaires iraniennes), aide aux Kurdes. Lors des manifestations populaires consécutives aux fraudes électorales, Obama ne témoigna d'aucune solidarité, d'aucun soutien. On pouvait comprendre au début le souhait de ne pas paraître endosser Moussavi, mais les tueries de jeunes et les persécutions appelaient une réaction, ne serait-ce qu'en tentant d'assurer la protection des opposants. Par la suite, la litanie inefficace des menaces de sanctions qui ne nuisent qu'à la population et ne font qu'isoler un pays profondément désireux de retrouver sa place dans le monde persuade les dirigeants de la République Islamique que rien n'est changé, et les renforce dans leur attitude de rigidité. Tel qu'il a placé l'Amérique, Obama dont la parole ne vaut plus grand'chose en Iran n'a désormais devant lui qu'un choix peu original:
Bref, comme Bush. Le premier coup de fil d'Obama fut adressé à Mahmoud Abbas Tout un chacun y vit un signal que le sort des Palestiniens allait enfin être pris en compte, une politique plus équilibrée allait voir le jour. Pourtant la légitimité de Mahmoud Abbas était déjà une vaste tromperie, non seulement parce que son terme présidentiel était échu, mais parce qu'il ne contrôlait pas Gaza dont on se souviendra qu'il est régi par le Hamas (comme devrait d'ailleurs l'être la Cisjordanie) à la suite d'élections reconnues comme tout-à-fait régulières. Si donc Obama persistait dans l'erreur de la politique imposée par Bush et Sharon consistant à ne pas discuter avec ses adversaires, comment croire qu'un basculement pourrait opérer? Grâce aux petites navettes d'un Mr. Mitchell qui se fit insulter par les dirigeants de Tel-Aviv dès son premier voyage en Israël ? Le discours du Caire. Ça oui, on allait voir une Amérique digne des espoirs portés envers un jeune président Noir, juriste, cultivé conscient que rien ne pourrait être réglé dans les conflits tant que la paix ne surviendrait pas au Moyen-Orient, et qui se déplaçait même jusqu'en Egypte pour parler au peuple. Et non, affirma t'il aux micros égyptiens, il ne saurait y avoir de paix sans justice, de justice sans démocratie, de démocratie sans rejet de toute dictature, de toute illégalité, que ce soient les implantations israéliennes ou le fonctionnement de passation du pouvoir chez les alliés Arabes. Pourtant, aucun effort ne fut entrepris pour parler aux opposants arabes, que ce soit en Egypte, en Jordanie, au Koweit, en Arabie Saoudite , etc. Même politique aveugle en Somalie , mêmes entreprises de subornement au Maghreb. Comment s'étonner que toute une frange cultivée, moderne, impliquée du monde Arabe ait fait-si l'on ose dire- une croix sur le président des USA ? L'Amérique et la Russie allaient vivre, sinon une histoire d'amour, Du moins quelque chose qui y ressemblerait, grâce notamment au jeune âge des deux présidents et à leur commune volonté de rapprochement et d'apaisement des tensions. Las, le manque de contrôle de Bidden sur le président de Géorgie Saakashvili, qui attaqua l'Ossétie et l'Abkhazie juste après une visite du vice-président US, le peu de soutien de Washington et l'absence de gesticulation pendant la courte guerre Russo-Géorgienne convainquirent un grand nombre de chefs d'Etat de la mollesse ou de l'immaturité de l'hôte de la Maison-Blanche, obligé de reposer sur Sarkozy pour éteindre le feu. Les experts militaires savent maintenant ce que comprirent certains à l'époque: si la guerre avait duré 60 heures de plus, la Russie , dont l'Armée était à bout aurait été obligée de jouer la trêve. Obama et son équipe ont démontré à cette occasion leur incapacité à lire correctement les rapports de forces, et beaucoup d'évènements, de manoeuvres ou de crises vont directement découler de cette mauvaise gestion, que ce soit entre Israël et la bande de Gaza, l'Iran , la Somalie , Cuba, les provocations Nord-Coréennes ou l'encerclement de Taiwan par la marine de guerre chinoise et ses incursions en Mer du Japon . Cela ira même jusqu'à une modification subtile, discrète, mais profonde des choix de l'Allemagne . Désormais, il semble qu'à défaut d'une action spectaculaire, Barak Obama n'a plus guère de chances de faire peser sur le monde de façon plus efficace que ne le faisait Georges W.Bush en fin de règne. Nous verrons dans un deuxième article comment cette perte d'influence s'exerce dans la guerre en Afghanistan , et avec quelles conséquences dommageables pour les rapports des USA avec leurs alliés. Mais aussi que la porte est dorénavant ouverte pour une crise majeure, illustrée actuellement par la mauvaise gestion de l'affrontement russo-américain sur le Kirghistan, affrontement qui risque de s'étendre au voisinage et de faire rentrer dans la partie des joueurs indésirables. |
Sep. 09
23
L'Europe.. Rubik's Cube des Nations?suite à l'article "Allemagne-Russie: une alliance honteuse?"
Mots-clés : Allemagne , UE |
Sep. 09
20
Le fouet américainquels chats choisir pour cible?
Le Président Obama a multiplié les déclarations selon lesquelles il se fait fort de réduire Al Qaeda . |
Déc. 08
31
Israël ne sait toujours pas finirAnecdotique
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