Dans un trio il faut toujours faire partie des deux
Depuis plusieurs mois l'attention se porte sur les dettes souveraines européennes. En dehors des erreurs répétées de politiciens souvent plus soucieux de réélection que de solutions à long terme, on assiste avec regret à une perte de vue de certains éléments fondamentaux de l'Europe en matière de stratégie, et notamment de cette vieille réalité: tout se joue à trois, et ce quasiment depuis toujours.
Ainsi du souci constant des puissances de savoir jouer du glissement des rapprochements: Angleterre-France-Russie ou Angleterre-Autriche-France, ou encore Angleterre-Russie -Autriche, etc
Dans la période relativement récente du Marché commun, puis de l'UE, cette partition à trois s'est toujours jouée entre la France, l'Angleterre et l'Allemagne .
A chaque fois il s'est agi de faire partie du duo imposant au troisième soit une retenue soit une volonté, une direction ou même carrément un départ en guerre.
Pendant la guerre contre l'Irak , on a vu l'Angleterre isolée face au couple Paris-Berlin alors que plus récemment, l'Allemagne ayant refusé de se joindre à la fanfare Anglo-Française contre Khaddafi, David Cameron avait cru pouvoir bénéficier d'arguments en sa faveur auprès du président Français.
On constate que cela, pas plus que les accords de coopération militaire étendue n'a suffi lorsqu'il s'est agi de résoudre la crise de l'euro.
Paris afin de dissimuler sa position de faiblesse a préféré coller à Berlin alors qu'à l'inverse le Premier Ministre britannique, mesurant mal les rapports de force actuels, a provoqué l'affrontement avec pour résultat consternant d'isoler l'Angleterre et de réduire son influence.
La France du coup pourrait se croire en position d'accroître son pouvoir et sa position en Europe .
Mais la nature ayant horreur du vide, l'éviction de l'Angleterre ne manquera pas de faire apparaître (provisoirement du moins) un nouveau troisième larron, qui sera vraisemblablement la Pologne.
Or l'équipe qui dirige actuellement Varsovie est tellement germanophile, malgré le passé douloureux de ces deux pays, qu'elle risque de mener l'Allemagne à jouer de plus en plus sur la Pologne pour contraindre la France à céder aux volontés berlinoises.
Le manque de maturité stratégique patent des principaux acteurs est ainsi certain de laisser des traces profondes dans l'Europe de demain, d'autant que le remplacement de politiciens par des technocrates en Grèce et en Italie va affaiblir l'influence politique, et donc stratégique, de tout le Sud de l'Europe , voire du continent entier.
Il importe donc pour la France de rapidement offrir une passerelle à l'Angleterre car paradoxalement, si ce n'est la France, c'est l'Allemagne qui le fera.
Or l'Allemagne est devenue trop vite et trop soudainement trop puissante politiquement.
ménage à trois
Copenhague: perspectives stratégiques
Alors que le sommet de Copenhague était censé représenter une sorte de Kyoto II + les USA , la précipitation et un étonnant manque de vision stratégique ont conduits les Américains et principalement leur président, à en faire une sorte de rencontre quasi-conflictuelle du G2, à savoir USA versus Chine .
On savait, plus d'une semaine avant la rencontre au sommet, qu'aucun accord de fond ne serait signé ni même discuté sur l'enjeu premier de cette réunion. Plutôt que de tenter de parvenir à une politique globale visant à freiner, voire même faire reculer la production d'effet de serre et de réchauffement climatique , ils se sont livrés à des manoeuvres de couloir classiques et dépassées, sans réaliser que le regard qui leur était porté allait changer profondément.
D'abord parce qu'il est apparu que les Occidentaux avaient surtout en tête de négocier des droits de pollution et d'amener les gros pays émergents (la Chine ,l'Inde , le Brésil) à juguler leurs conséquents taux de croissance, sans reconnaître les efforts réels de Brasilia (tout de même un précurseur en bio-carburant) et de la Chine , laquelle depuis deux ans ne ménage pas ses efforts, notamment en recherche de protection, de retraitement et d'assainissement des eaux par exemple.
Ensuite parce que les petits pays, s'ils réclamaient certes une aide financière, voulaient également un véritable changement des politiques économiques et énergétiques des pays riches dans le domaine des importations, du crédit et des régulations, conditions nécessaires à un changement de modèle de croissance.
Or, ce changement est toujours considéré par les multinationales comme profondément contraire à leurs intérêts, et donc par extension contraire aux finances des pays riches.
Alors que s'approchait la date du sommet et que se dessinait de plus en plus la perspective d'un échec diplomatique, les différentes puissances ont entamé des opérations de relations publiques variées et à courte vue.
Le président français a joué sa carte personnelle après avoir essayé vainement d'associer le Brésil à la France, et a parlé si fort - pour ne rien dire d'essentiel- qu'il est parvenu à assourdir la voix de l'Europe , laquelle n'a pas été conviée par Obama dans sa recherche de déclaration finale (les invités étant la Chine , l'Inde , le Brésil et l'Afrique du Sud).
Exit l'Europe .
Puis, tandis que les responsables américains tentaient pendant plusieurs jours de rejeter la responsabilité de l'échec de Copenhague sur une supposée obstruction rigide de la Chine , son Premier Ministre, Wen Jia Bao en profitait pour multiplier les contacts bilatéraux avec les principaux acteurs non-Occidentaux, parvenant même à se concilier les bonnes grâces de l'Inde , au moment même où Sarkozy commettait l'erreur de vilipender l'attitude de New-Delhi.
Au bout du compte, les USA ne parvenant pas à faire céder la Chine , chacun des deux fit sa petite déclaration pour la galerie tandis que leurs chefs, en se rencontrant en vis-à-vis, envoyaient au monde un message qu'ils risquent de regretter.
Celui d'un partage à deux des affaires de la planète.
Une telle posture ne peut qu'installer dans le marbre les rivalités entre le supergéant d'aujourd'hui et celui de demain et les enfermer dans une longue série de gesticulations conflictuelles.
Le bilan est donc peu brillant pour l'Occident:
l'Europe est apparue comme une succursale mercantile dénuée de pouvoir politique réel.
La Russie n'a pas existé.
Les USA ont crié haut et fort leur intention d'acheter la santé globale pour 100 Milliards (on leur en demandait 150, plus un changement complet d'attitude), sans résultat.
L'Amérique du Sud hors Brésil a trouvé des liens d'entente avec quelques pays d'Afrique et plusieurs pays d'Asie, qui amènera peut-être ce groupe à établir des liens plus formels et à signer des accords de coopération et d'échanges fructueux sans passer par les établissements financiers occidentaux.
Le Brésil et l'Inde se sont placés plus que jamais dans une position royale, qui leur permettra d'alterner les alliances et les accords tantôt avec les USA , tantôt avec la Chine , tantôt avec les G77.
En somme, les stratèges d'Europe et le stratège de Washington , non seulement ont failli dans la mission éminemment populaire de la lutte pour l'environnement, mais sont parvenus à faire dessiner une nouvelle carte géostratégique dont le monde n'a pas fini de mesurer les conséquences.
Oct. 09
07
La France du côté boueuxle Nigéria , un bourbier dans tous les sens du terme
Mots-clés : Nigéria , afrique , Armée , ONU Kenule Beeson Saro-Wiwa, enseignant puis administrateur d'une région du delta après la guerre de sécession du Biafra, avait publié des poèmes et romans célébrés dans le monde entier. Dans des articles, il avait annoncé l'imminence d'une guerre dans le delta du Niger, puis rejoint le Mouvement pour la survie du peuple Ogoni (Mosop), organisation luttant pour la protection de son groupe, les Ogoni, dont la région, dans le Rivers State (sud du delta), était mortellement polluée par l'extraction pétrolière. Pendant cinq ans, partisan de la non-violence, il avait milité pour que cesse l'exploitation anarchique par les compagnies pétrolières du brut nigérian. En 1993, le Mosop avait réussi à faire stopper les activités de la filiale locale de Shell, s'attirant les foudres de la junte dirigée par le général Abacha. Le 21 mai 1994, quatre leaders ogoni considérés comme modérés étaient lynchés par une foule dans des circonstances troubles. Ken Saro-Wiwa, absent au moment des faits, devait être arrêté, condamné puis pendu avec huit autres responsables ogoni lors d'un procès défiant les règles de la justice. Des juges avoueront plus tard avoir été corrompus. Shell est activement soupçonné d'en avoir été l'instigatrice.Pour des raisons stratégiques qui nous semblent de courte vue -et aussi pour mettre Total en position de force au sein d'un environnement pétrolier très concurrentiel-, Paris semble décidé à fournir à Lagos des armes, une assistance militaire et des éléments de sécurité "intérieure" afin d'aider le pouvoir actuel à éteindre les divers foyers. Si certaines bandes relèvent notoirement du banditisme, d'autres participent d'une action de résistance très populaire et semble t'il légitime. Les Occidentaux ont déjà fait les mauvais choix en Afrique de l'Est. La France, ancienne puissance coloniale à l'Ouest aimerait depuis longtemps installer un potentiel d'influence fort chez ce membre africain anglophone de l'OPEP. On peut le comprendre mais la méthode retenue est douteuse. Surtout lorsque l'on veut bien se souvenir de la gabegie, l'incurie et la corruption d'une armée Nigeriane qui s'est rendue coupable d'atrocités aussi bien chez elle que lors de missions ONU au Congo. La lutte des Ogoni est moralement et historiquement juste. Son aura politique pourrait à terme prendre beaucoup d'ampleur et placer la France dans une situation d'autant plus délicate qu'elle continue de se poser en donneuse de leçons. Principalement là où, n'ayant rien à gagner, elle estime n'avoir rien à perdre. Un calcul biaisé de plus en plus évident aux yeux de la communauté internationale, qui risque d'ouvrir la porte à des rivaux apparemment plus scrupuleux. |
Jui. 09
07
les petits bateauxdans un lavabo
Sous le couvert médiatique et pseudo-humanitaire de la chasse aux pirates, un tas de navires de guerre surarmés se livrent depuis des mois à des manoeuvres et des démonstrations aussi coûteuses que dangereuses: plusieurs marines européennes se joignent en effet en surface aux Américains, Canadiens, Indiens, Chinois, Coréens, Japonais, Thailandais, Russes. A cela s'ajoutent les submersibles divers.
Tout ceci en temps réel avec de vraies armes, des protocoles d'intervention variables selon les pays (et, bien sûr, les circonstances) et des durées de présence élastiquesl, pour un prix exorbitant. Le nombre - qui va rapidement augmenter , car il faut en être!- d'armées impliquées dans ce bidet constitue à lui seul un facteur d'impondérables explosifs inédit. En effet, l'Histoire moderne de la guerre en mer nous apprend qu'à cause des coûts et délais croissants à la constitution d'unités navales modernes, il y a de moins en moins de combats et de plus en plus de manoeuvres: la rationale navale consiste d'abord à ne pas perdre d'éléments, et ensuite à barrer la route aux autres. Al'heure des missiles à trajectoires et vitesses inconstantes, dotés de leurres et parfois d'autonomie agissant sur des distances de plus en plus grandes, relayées par les satellites appartenant aux différents pays, la question de la fiabilité des systèmes est posée: là où l'erreur était humaine, on ne sait pas encore si, cette fois-ci, elle ne va pas être électronique. Et si la situation initiale, plus ou moins sincère de protection de la marine marchande avait échappé aux puissances impliquées dans ce jeu? Ne resterait plus désormais qu'à attendre, dans une sérénité inquiétante (à moins qu'il ne s'agisse de légèreté coupable) le premier incident sérieux qui pourrait changer l'aspect de toute la géostratégie maritime, au niveau planétaire. |
Avr. 09
19
Iran/Israel au jeu de la chaise musicaley a t'il de la place pour les deux à Washington?
Convaincus que de bonnes relations entre Téhéran et Washington réduiraient l'Etat d'Israël à un rôle de second plan, les Israeliens ont cherché depuis des années à envenimer tout rapport entre ces deux capitales. |
Mars 08
24
L'Amérique et les divisionsdivisions internes et entre alliés face aux réconciliations adversesAlors que les camps politiques Américains semblent de plus en plus divisés, non seulement G.O.P contre Démocrates mais au sein de chacun des partis, voilà que les responsables des stratégies diplomatiques et militaires voient avec une crainte grandissante se profiler une nouvelle perspective: la fin de divisions qui jusqu'ici leur permettait de maintenir au pouvoir leurs différents protégés:
1/Les deux partis opposés à Musharraf ont trouvé en la personne de Gullani désigné nouveau PM, un représentant politique présentable à l'extérieur comme à l'intérieur du pays, y compris aux yeux de l'Etat-Major de moins en moins convaincu de la pertinence qu'il y aurait à maintenir l'actuel Président (moins populaire que Ben Laden!) au pouvoir. Leur décision de reprendre des pourparlers avec les chefs des tribus de l'Ouest en quasi-sécession, selon un protocole différent, fait craindre à Washington de se voir retirer l'autorisation -venue bien tardivement- de frapper avec de réels succès dans les provinces du Nord-Ouest. 2/L'incompétence et la gabegie de Karzai et ses acolytes, ses liens anciens et profonds avec les Pashtounes et la perspective de l'offensive très prochaine et vraisemblablement victorieuse des Taliban à l'Ouest (comme nous l'avions prédit il y a déjà plus d'un an) et non au Sud ou à l'Est, dominés par les combats très durs dans lesquels les forces US affrontent les affiliés d'Al Qaeda obligent le président Afghan à négocier un modus vivendi avec ses ennemis: les Taliban sont en effet parfois à une distance si courte de la capitale que la banlieue Ouest leur sert par endroits de caches, dortoirs et arsenaux. De leur côté, les Américains sont confrontés dans leurs rapports avec leurs alliés à des divisions tactiques, stratégiques et politiques de plus en plus aigües 3/Après l'affront maladroit et brutal qu'a constitué l'autorisation du gouvernement Israelien pour de nouvelles implantations en Cisjordanie Mahmoud Abbas, politicien de faible valeur s'il en est n'a plus guère d'autre choix vu les dissensions menaçantes au sein du Fatah, que de composer avec un Hamas uni qui vient de réussir deux jolis coups : d'une part en faisant connaître ses négociations très soutenues avec Israel (lesquelles malgré les fanfaronnades d'Ehoud Barak ne concernent pas que la libération du soldat franco-israelien), d'autre part en servant de pont entre Damas et un Hezbollah de plus en plus nationaliste et donc récalcitrant aux choix d'Assad. Dans la perspective d'une entente des deux factions Palestiniennes, le rêve illusoire de Bush de voir un traité de paix signé avant son départ de la Maison Blanche s'effondrerait, même aux esprits pourtant obstinés du Président et de Dick Cheney. A celà s'ajouterait la possibilité d'une nouvelle démonstration guerrière menée par l'incompétente équipe au pouvoir à Jérusalem. 4/Le jeu Kurde a fini d'épuiser la patience d'Ankara et Islamabad; la guerre larvée du pétrole de Kirkouk entre les Kurdes et les Shiites (représentés d'une part par la présidence irakienne et d'autre part par son chef de gouvernement) continue de priver les uns et les autres des énormes ressources que représente un barril à plus de 100$; les incursions Turques menées maintenant au grand jour en Irak , parallèlement à un échange constant d'informations entre Ankara et Téhéran d'une part, Téhéran et le gouvernement Maliki d'autre part démontrent que la partie en Mésopotamie se positionne de plus en plus dans l'après-Bush. De son côté l'Armée Américaine en Irak , du fait de ses choix tactiques, voit les intérêts des responsables militaires sur place (parfois au niveau des simples capitaines, très immergés dans la réalité locale) entrer en conflit. Tout ceci laisse prévoir à assez court terme l'émergence de renversements d'alliances et une recomposition très importante de la carte locale, dans laquelle l'influence Américaine n'aura plus pour se maintenir qu'à espérer un changement radical de la prochaine administration élue en Novembre. L'influence Occidentale diminuera de toutes façons dans cette région, ce qui va accroître l'inquiétude dans les Etats du Golfe, et en Inde . Le monde géopolitique tel que nous le connaissons devrait ainsi subir les changements profonds que nous annoncions (tels Madame Irma) pour 2008. Juste quand l'économie passe par une période d'instabilité critique*. *(Nous réfléchissons d'ailleurs à l'intérêt d'une publication de prospective économique et financière) |
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