Achetons de l'héroïne

mieux vaut la détruire après qu'avant

Que ce soit en Technorati ou en Colombie, pays où la drogue fait les politiciens et la politique produit la drogue, la stratégie Occidentale et principalement Américaine est la même.
Elle consiste à abolir la culture des plantes servant à la fabrication de drogues principalement vendues et consommées en Occident.
Différentes tactiques sont utilisées:

  • Détruire les champs, mais cela pousse les agriculteurs à la misère. Donc des fonds sont mobilisés pour les inciter à faire pousser une plante qui pousse moins bien, rapporte moins aux agriculteurs (puisque l'aide alimentaire revient moins chère aux populations locales) et ne correspond pas à la tradition.
  • Forcer les agriculteurs à l'exode vers les villes, où ils augmentent la misère des bidonvilles, la criminalité et l'exclusion sociale.
  • Soudoyer les potentats locaux qui n'en stoppent pas moins la production des plantes incriminées et affaiblissent le pouvoir central.
  • Refonder un système politique en y insufflant artificiellement des mécanismes inadaptés aux situations locales et historiques, telles que le parlementarisme censé correspondre à la démocratie.

Dans tous ces cas (et ceux que nous ne mentionnons pas), on provoque trois réactions principales:
  1. Les violentes interventions des armées occidentales sont perçues comme autant d'aggressions venues d'une puissance occupante extérieure.
  2. Les immenses fonds attribués sont largement détournés par les cliques politiciennes nationales ou locales, à leur seul profit.
  3. L'argent coule à flot des deux côtés pour l'achat d'armes de plus en plus sophistiquées

Les résultats sont donc à peu près nuls et contre-productifs puisque, la production de drogue n'étant pas stoppée, entretient la poursuite de guerres qui semblent interminables.

La solution la plus rapide, la moins violente et finalement la moins chère, consisterait à acheter systématiquement toutes les cultures de coca et d'opium une fois celles-ci récoltées.
C'est politiquement sensible mais il faudra y venir, particulièrement en Technorati, car cela permettra de quitter militairement ce pays qui déteste toute occupation étrangère.


Commentaires

C'est là une approche/solution vraiment très intéressante. Est-elle appliquée quelque part?

Me viennent cependant en tête quelques questions sur la gestion a posteriori de ces stocks.

On imagine bien toute la corruption et les fuites que ne manqueraient pas de provoquer de tels stocks dans les pays acheteurs. Ce qui me plait dans la solution que tu avances, c'est que la gestion du problème criminel se trouve déplacée (ou plutôt fortement reconcentrée) dans les pays consommateurs de la matière transformée.


En achetant une production entière, je ne vois pas d'autre moyen de contrer la question précédente que d'opérer une destruction sur site. L'idée est séduisante et en admettant qu'elle soit efficacement et partout appliquée, le risque d'en arriver à une situation étrange — à savoir celle ou les producteurs, conforté dans l'écoulement des stocks,  peuvent avoir intérêt à développer le volume des cultures — existe t-il ?

L'autre problème que j'entrevois, toujours en admettant la destruction entière des stocks de matière première à la récolte, est la destruction de toute une économie parallèle. Certe ces économies n'apparaissent souhaitables qu'à un très petit nombre de personnes mais ces mêmes personnes sont parfois suffisamment bien placées (armées ?) pour soutenir leurs intérêt et j'en reviens là au risque de corruption. Et si le marché devait effectivement s'effondrer en raison de la disparition des matières premières, n'y a t-il pas de grandes chances pour que ce soit au profit d'un autre marché parallèle peu ou pas encore exploité ?

Par contre, avec l'argent ainsi reçu, je ne vois pas comment cette solution serait un frein au trafic d'armes ? Si je te suis bien, c'est parceque l'argent serait directement versé au producteur/agriculteur. C'est bien ça? Cela n'aurait pas il me semble l'effet garanti de le protéger à coup sur des dérives gouvernementales locales ou simplement de pratique "mafieuses". Mais en même temps, il est vrai que l'on ne peut pas toujours voir à tout.
Mais je maintiens — pour la raison que je donnais plus haut — que ça reste une bonne idée. Une excellente idée même. Il y a juste quelques dérives à prévoir et à contrer.  C'est en tous cas assurément la moins mauvaise des solutions ou pour être plus positif, la plus inspirante.

 


DNM | Le Dimanche 02/11/2008 à 11:19 | [^] | Répondre

Re:

Beaucoup de questions et d'arguments dans ce commentaire, qui auraient pu être au départ soumis à confrontation lors de l'écriture du billet, mais sans la dynamique qu'anime ton apport extérieur.
Je les attendais donc, soit simplement dans la réflexion interne des lecteurs, soit éventuellement dans un commentaire.
Quelques réponses:

..."le risque d'en arriver à une situation étrange — à savoir celle ou les producteurs, conforté dans l'écoulement des stocks,  peuvent avoir intérêt à développer le volume des cultures — existe t-il ?"..
Bien sûr, ce rique est inhérent.
Pourtant, devenu rapidement dépendant d'un seul acheteur, le producteur,-comme c'est le cas actuellement en Afghanistan pour le pavot, mais aussi en France pour le boeuf- n'est pas en position d'imposer son prix.
Le morcellement des exploitations permet aussi à l'acheteur d'assurer le premier contrevenant qu'il sera exclu du contrat dont bénéficient tous ses voisins. Vu la dimension des exploitations, l'agriculteur afghan devrait accepter de filer droit.
L'économie parallèle
Elle touche à peu près tous les niveaux de la société, en effet.
Un élément culturel et historique doit être pris en compte: la corruption est inhérente aux systèmes locaux. L'économie étatique est une donnée flexible.Le tout est de contrôler la déviance sans avoir à l'éliminer entièrement.

Les premiers intermédiaires - aujourd'hui le camionneur qui transporte le chargement de pavot est payé environ six fois plus que pour le riz - devront être payés au même prix qu'aujourd'hui, eux aussi.
Les contrôleurs, c'est-à-dire les fonctionnaires de l'Intérieur, des douanes, de l'hygiène, etc qui touchent leur prébende se tourneront vers une autre cible.
Les chefs de région, les officiers généraux, chefs de tribu, ministres (et les membres de la famille du président Karzaï)soulèveront de toutes manières leur quote-part sur tous les commerces et négoces (cela inclut les documents administratifs. Mais ils seront, c'est certain, malheureux de voir une aussi grosse manne disparaître. 
Pourtant, cela devrait aider à discerner plus rapidement les plus corrompus, puisque leur pouvoir s'effondrera plus vite que ceux qui touchaient peu jusque-là.
.."Par contre, avec l'argent ainsi reçu, je ne vois pas comment cette solution serait un frein au trafic d'armes ? Si je te suis bien, c'est parceque l'argent serait directement versé au producteur/agriculteur"...
C'est bien le paysan qui sera payé directement, comme s'il livrait une cargaison de céréales. Cette expérience a été tentée avec succès dans un pays connu pour son taux (alors) élevé de corruption, la Thaïlande.

Pourtant, gardons-nous de jeter l'opprobre sur les Afghans: aujourd'hui plusieurs indices et faits prouvent que des membres de l'ISAF et de l'OTAN non seulement cosomment de la drogue, mais l'on craint que certains participent même à l'écoulement des substances, que ce soit en fermant les yeux contre rétribution, ou plus activement.
Ce qui renforce la nécessité de confier le contrôle à une agence très fiable... et l'obligation de changer la stratégie d'occupation de l'Afghanistan, le pays le plus farouchement opposé qui soit à une domination étrangère.

 


un autre | Le Dimanche 02/11/2008 à 12:37 | [^] | Répondre

Re:

Quand la simplicité est au service de l'efficacité,
Après la lecture de ce billet, on peut se demander pourquoi cette solution n'a jamais été évoquée, pensée, retenue et mise en place ? On imagine aisément que la simplicité apparente s'accompagne d'une infinité de problèmes restant à résoudre. Effectivement, le transport des marchandises sur place, les transports internationaux, les pots de vin à tous les échelons. Et puis que faire de tous les réseaux de transformation, de reventes... Et à l'extrême limite, si le fleuve se tarît, comment venir en aide à tous les dépendants qui hantent nos villes, nos ANPE, nos hôpitaux et qui sont les premières victimes du trafic ? Acheter la production complète de pavot à ces producteurs, agriculteurs, dont c'est pratiquement le seul revenu devrait peut-être également se voir accompagner d'une action complémentaire, j'y reviendrai plus loin.
Si un acheteur étranger (ONU par exemple) est prêt à payer une production pour la détruire, à moins qu'une autre utilité puisse être imaginée, car il faudra, pour éviter toute nouvelle dérive, ou tout bêtement pour éviter de déplacer le marché, que la production soit détruite sur place, immédiatement. Mais alors, si ces gens produisent une marchandise destinée à être détruite sur le champ (si je peux dire) et reçoivent en échange une contribution substantielle, donc un salaire pour un travail, pourquoi ne pas directement les payer à ne rien faire ? Très sérieusement, nous avons dans ce pays, l'Afghanistan, toute une population, enfants compris, qui sont à la tâche du matin au soir pour une production effroyable, dont ils ne tirent qu'un revenu très substantiel. Les moyens mis en place pour lutter, faute de l'anéantir, contre le trafic sont considérables. A chaque étape qui jalonne le parcours de la  maudite denrée, ce sont des nids de criminalité contre lesquels il faut lutter et donc, là encore c'est un investissement supplémentaire, sans compter tout ce qui est lié au trafic de drogue (prostitution...).
Le produit est donc éradiqué, que deviennent tous les gros bonnets, trafiquants, revendeurs, dealers... Je ne parle pas de leur trouver des stages de reconversion, mais quel va être leur nouveau job, puisqu'ils sont habitués, faisant fi des risques, à de l'argent facile. Là encore, il faudra se préparer à une nouvelle criminalité, kidnappings, braquages, vols à la tire... Nos belles citées de la petite et deuxième couronne vont à nouveau devenir le théâtre des pires affrontements. D'autres moyens en hommes et en argent ajoutés pour prévenir cette nouvelle délinquance. Mais cela se tient, et la volonté politique devra être patiente et inébranlable tout en sachant communiquer, pour une fois.
Pour en revenir à nos paysans afghans, nous leur proposons une nouvelle vie. Avec les économies énormes que nous fera faire cette nouvelle politique sur notre sol, il ne faudra pas tergiverser sur les moyens et mettre le paquet, comme on dit vulgairement ; Sur place, construction ou reconstruction des villages, amélioration de l'habitat, eau courante, capteurs solaires pour l'énergie, réfrigérateurs et congélateurs, téléviseurs à écrans plats et paraboles. Il sera bon pour les longues soirées d'hiver de prévoir un peu d'abrutissement. Construction de dispensaires, d'écoles, de mini market. Nouvelles cultures, nouveaux moyens. Par quoi peut-on remplacer le pavot, l'opium ? Besoin d'eau pour l'irrigation ? Pas de problème, on pompe jusqu'à 20 000 mètres ou on la fait venir, on fait venir également le matériel requis : tracteurs, camions...Installation sur place d'entreprises adaptées (on a qu'à poser la questions à Attali, il a un avis sur tout). Sur la base du volontariat, du personnel afghan est formé dans nos pays occidentaux européens : instituteurs, ingénieurs agronomes, infirmières, médecins, techniciens.
Ces nouvelles cités de l'après pavot deviendront des phares pour tous ceux qui s'étaient réfugiés dans les grandes villes, la migration s'effectuera dans le sens contraire entraînant avec elle son prolongement de petits truands, voleurs, braqueurs et j'en passe et des meilleurs.
J'ai l'air de prendre ça à la plaisanterie, mais pas du tout, je trouve ton projet vraiment génial, il suffit de fixer le bon prix, mais comment devenir le seul acheteur sans enfreindre la loi de l'offre et de la demande ? Pourrait-on reprocher à ces braves commerçants de vouloir céder leur marchandise aux plus offrants ? Faudrait-il sans cesse surenchérir ou l'aide ajoutée, dont la description est amorcée ci-dessus, serait-elle suffisamment convaincante pour l'ensemble des parties en questions : cultivateurs, chefs de villages ou de tribus, autorités etc...
Cela sans compter avec les talibans les plus intraitables, rendus furieux par ces intrusions étrangères comme tu dis.
N'est-ce pas un peu utopique quand même ?
Bref, tout marche à merveille, les paysans afghans, avec l'aide des financements de la non drogue, organisent des championnats de tarots, des lotos, des concours de villages fleuris, petit à petit, nous commençons à nous débarrasser de la drogue et des maux qu'elle entraîne, s'en suit le continent sud américain qui subit la même politique avec le même succès que précédemment, les barons de la drogue du sous continent deviennent les gentils gestionnaires des bienfaits de l'argent qu'on leur distribue pour ne plus rien faire pousser dans leur P. de jungle.
Et maintenant, pourquoi ne pas pousser jusqu'à l'extase le raisonnement ? Voyons un peu de quoi il s'agit...
Imaginons que sur notre territoire, et de la même façon que l'avons réalisé dans les deux parties du monde sus-mentionnées,  nous puissions chiffrer à peu près exactement les méfaits de toutes les petites et grandes criminalités, exception faite de la criminalité incontrôlable (violeur, tueurs en série et autres détraqués), pour laquelle des sections spéciales seraient instaurées, que nous ajoutions à ce chiffre probablement délirant tous les budgets également alloués à l'administration pénitentiaire, à la police et à la justice, le montant risque alors de devenir astronomique... Où vais-je en venir ???
Et bien maillons la France, et puis l'Europe tout entière, de petites administrations territoriales, comme des petits guichets de la poste, qui opéreraient comme des petites banques de service. Je m'explique, le délinquant du coin veut se défouler sur deux ou trois poubelles, faire un peu de tapage nocturne ou péter une jolie vitrine. Il sent bien que ça le chatouille, que ses pulsions vont le forcer à agir. Il se rend à l'officine en question avant qu'il ne soit trop tard, il décrit son état d'âme, il explique sur quoi cela débouche en général, la personne du guichet et lui font un audit rapide mais efficace et son « inaction » est chiffrée. On discute le bout de gras, la négociation se fait autour d'une bière, la pression du délinquant chute, on tombe d'accord sur le tarif et tope là, le type repart avec 1500 euros et rentre regarder un DVD et bouffer une pizza.
Certes ce sont bien 1500 euros qui sont sorti de la poche du contribuable mais on a évité bien des tracas et probablement des frais nettement plus considérables si le délinquant avait laissé libre cours à son agressivité.
Il y aurait bien évidemment des barèmes pour tous les cas de figure : braquage de banques, agressions à main armée, trafic d'armes, vols de voitures... Terminée la détérioration inutile et coûteuse des biens publiques, terminée l'insécurité, fondu le grand banditisme. CQFD ...

PhY de Pont

 


Phy de Pont | Le Lundi 03/11/2008 à 01:38 | [^] | Répondre

Re:

PhY,
Du temps de l'occupaton soviétique, nous nous souvenons de ces jeunes Afghan qui échangeaient des petites quantités de très bon haschich contre des balles, puis des magasins de Kalashnikov.
L'usage du haschich était traditionnel, on dit même qu'il fut inventé à Balkh, à côté de Mazar i Sharif.
Aujourd'hui, devant la guerre technologique imposée par les USA, on fait dans le moderne: l'héroïne qui est dévolue uniquement au marché étranger (sauf la part conosmmée sur place par les soldats de l'ISAF et de l'OTAN, ainsi que celle qui est directement envoyée en Occident depuis les bases militaires: exactement comme cela se faisait du temps de la guerre du Vietnam).

..."On imagine aisément que la simplicité apparente s'accompagne d'une infinité de problèmes restant à résoudre"..
Absolument: il n'existe aucune solution efficace qui soit facile. La solution de facilité, c'est celle qui est pratiquée aujourd'hui: on déverse des flots d'argent sur les gens soi-disant élus, alimentant ainsi des courroie de corruption et des liens d'intérêts malsains; on tire de loin et depuis les airs (comme les Soviétiques) sur tout ce qui bouge en se disant que c'était surement des Taliban et l'on regrette bien sûr les "inévitables dommages collatéraux".
Que des intermédiaires parviennent à détourner une partie de l'héroïne  est à peu près certain, mais cela constitue une goutte d'eau dans l'océan des 90% de la production mondiale d'héroïne, qui provient d'Afghanistan.
Cela profitera à quelques gangsters, et non pas à financer les Taliban.
..."pourquoi ne pas directement les payer à ne rien faire?"..
Pour la même raison que ce que je répondais à Complex: celà ne les empêchera pas de faire tout de même pousser de l'opium.
Il faut les laisser passer leurs journées au dur labeur du paysan, qui correspond à leur aspirations traditionnelles (même si le produit est nouveau). Ainsi occupés à plein de temps il sera plus facile de comptabiliser et surveiller la production totale du pays. Une fois la récolte achetée, ce n'est plus du ressort des Afghans, qu'ils soient dans un camp ou dans un autre.
Cela peut choquer, comme avait choqué la décision Zurichoise de rendre l'héroïne non seulement gratuite, mais injectée par des médecins et infirmières.
Le méfait principal de cette substance étant en effet de créer une économie parallèle extrêmement puissante et néfaste.

La principale source de financement des Taliban étant asséchée, ceux-ci ne seront plus en mesure de se procurer les armes sophisitiquées qui sont apparues depuis deux ans et leur permettent de défier très efficacement les armées gouvernementales et occcidentales.
L'autre conséquence d'une culture d'opium confisquée et dûment rétribuée étant de ne plus avoir de prétexte à faire bombarder et brûler des villages et des champs de paysans par les troupes soi-disant pacificatrices de l'Occident.

L'argument actuel des politiciens occidentaux selon lequel il serait immoral de financer cette culture ressemble à une feuille de vigne au bout d'une érection: ça ne tiendra pas longtemps, et ça n'empêche pas la ferveur.

 


un autre | Le Mercredi 05/11/2008 à 10:45 | [^] | Répondre

- Acheter systématiquement les récoltes, c'est les subventionner. Subventionner un produit illicite, ce n'est pas admissible juridiquement (on ne peut pas qualifier le crime et l'autoriser ponctuellement).
- Subventionner des cultures d'opium ou bien subventionner des cultures licites, cela revient économiquement au même pour le paysan à condition que le prix de vente soit égal. Autant donc subventionner des cultures de riz au prix de l'opium.
- Quel est le prix ... ? La raréfaction de l'opium fera monter son prix, et donc le prix de la compensation attribuée au paysan. Celui-ci devra constamment décider entre la culture du riz et celle de l'opium toujours plus rémunératrice. Le choix est simple, sauf si la culture de l'opium reste illicite et donc sanctionnée par une des tactiques disponibles.


Les solutions passent plutôt par des montants de subventions plus élevés permettant un niveau de revenu non risqué et honorable pour le paysan; réduire les circuits de corruption qui affaibliront ces subventions et leur effet; combattre les réseaux criminels qui ne seront de toutes façons motivés que par le différentiel entre le prix de revient de l'opium (ie le prix du riz subventionné) et le prix du gramme vendu à paris, différentiel couvrant nécessairement les multiples coûts du traffic. Motivation qui ne peut disparaître qu'à condition de lui offrir une alternative moins risquée et plus rémunératrice.

 


complex | Le Mardi 04/11/2008 à 14:06 | [^] | Répondre

Re:

Une question cependant, avant de revenir sur les principes, la culture du pavot est-elle illicite ? Ou est-ce simplement les produits dérivés qui le sont ? Et d’autre part peut-on tirer autre chose de ce pavot miraculeux ?

PhY de Pont

 


Phy de Pont | Le Mercredi 05/11/2008 à 00:59 | [^] | Répondre

Re:

Complex,
il me semble que vos arguments tiennent la route pour un pays en paix, où le règne de la loi va de soi.
Nous parlons ici d'un pays accoutumé à lutter contre plus fort que lui, organisé selon des principes tribaux et habitué au brigandage.

Pour l'instant, nous subventionnons - à un prix irrationnel:

  • les activités illégales des proches du pouvoir impliqués dans la culture du pavot et sa tranformation en morphine base
  • l'instauration de potentats mafieux et l'exploitation féodale qu'ils infligent aux paysans
  • l'achat d'armes de différentes sortes de brigands
et surtout, nous subventionnons l'armement des Taliban, qui leur permet de tirer sur les troupes que nous offrons à leurs instruments de pointage.

Subventionner des cultures licites, telles le riz, dites-vous..
Croyez-vous réellement que cela n'aie pas été tenté dès le début par l'Administration Bush? C'est hélas typiquement une vision dominante, totalement inopérante dans une insurrection aussi rodée que celle d'Afghanistan. L'opium ne sera pas raréfié une seconde: les paysans encaisseront bien entendu la subvention du riz mais, comme le pavot s'alignera en conséquence à un prix supérieur, ils choisiront cette dernière culture.
Les conséquences seront les mêmes que celles qui ont prévalu ces dernières années.

Vos suggestions ont déja été mises en pratique et ont fait perdre des années, pendant lesquelles les gens du peuple ont vu un accroissement constant de troupes étrangères insensibles à leurs vies (imaginez les villages afghans au bord des routes, traversés -à toute vitesse pour éviter les attentats à la charrue piégée- par des convois militaires et militaro-humanitaires, et les nombreux cas de personnes, d'animaux, de biens matériels écrasés par ces véhicules qui leur apparaissent comme autant d'éléments de science-fiction).
Parallèlement, la population rackettée par la police, l'armée et l'administration gouvernementales, se trouve sans cesse agressée par cette guerre qu'elle préfèrerait régler elle-même comme elle l'a toujours fait.
Un exemple simple de la tragique erreur d'une stratégie consistant à vouloir arrêter la culture du pavot en amont au lieu de la régler pacifiquement en aval: deux chasseurs-bombardiers américains viennent de s'attaquer à une réunion de talibans et de fournisseurs de morphine. Ils ont lâché quatre roquettes.

Sauf qu'il s'agissait d'un mariage.

Actuellement et depuis le mois d'Août il se passe une telle méprise tous les dix jours.

 


un autre | Le Mercredi 05/11/2008 à 10:14 | [^] | Répondre

Re:

Je ne fais pas la suggestion de subventionner le riz.
Je dis qu'acheter systématiquement les récoltes d'opium, cela revient au même que subventionner l'opium, et je dis que cela revient au même que subventionner le riz au prix de l'opium.
Je dis aussi que cela ne marchera pas à cause des calculs économiques simples du paysan qui choisira l'opium à cause de son prix croissant et des pressions. Et que le traffiquant exercera ces pressions tant que le différentiel couvrira les risques et sa rémunération.

Les suggestions éventuelles doivent casser ce raisonnement économique.

 


complex | Le Mercredi 05/11/2008 à 14:51 | [^] | Répondre

Très intéressante votre réflexion à tous les trois.
Je voudrais aborder le problème par l'autre bout de la lorgnette : que pouvons-nous faire ici, chez nous pour aussi aller vers une réduction de la production de ces affreux produits ? Pourquoi les trafiquants réussissent-ils à vendre leur saloperie chez nous ? Que pouvons-nous faire de plus, ou mieux, pour aider ceux qui sont devenus dépendants, ou pour éviter à notre jeunesse de le devenir ? Quels moyens de lutte contre l'économie illégale qui en résulte pouvons-nous améliorer dans nos villes. Il me semble que là aussi il y aurait de l'argent à investir massivement en prévention éducative, en soutien thérapeutique, en développement économique des zones sensibles.
Car le trafic ne peut exister que parce qu'il y a des acheteurs chez nous. Il me semble important d'agir sur les 2 tableaux en même temps.

 


I.C | Le Vendredi 07/11/2008 à 13:07 | [^] | Répondre

Re:

I.C,


.."que pouvons-nous faire ici, chez nous pour aussi aller vers une réduction de la production de ces affreux produits ?"...

Nous sortons bien sûr totalement du sujet de ce billet.
Il semble que vous vouliez plutôt parler de la distribution et de la consommation, car le temps où la transformaton de morphine-base en héroïne se faisait en France est révolu depuis longtemps.
Nous ne pouvons donc rien pour réduire la production.
Mais nous pouvons nous interroger sur la perpétuation de ce traffic. Une voie est à peine détruite par les services de douane et de police qu'une autre s'ouvre. A cet égard, il semble que les filières d'Europe de l'Est, issues en partie de la guerre de l'ex-Yougoslavie, l'Albanie, la corruption endémique en Bulgarie notamment favorisent la constitution d'infrastructures criminelles sans commune mesure avec ce qui précédait.
..."Pourquoi les trafiquants réussissent-ils à vendre leur saloperie chez nous ?"..
Pourquoi consomme-t'on des drogues? C'est un vaste sujet que ce blog, dédié à la prospective et non à la proposition de solutions immédiates, ne saurait aborder avec sérieux, les experts ne manquant pas ailleurs.
Cela ne nous empêche pas d'avoir une ou des opinions, bien entendu.

Pourquoi les gens fument-ils alors que les cigarettes contiennent entre autres poisons des taux d'ammoniaque, de salpêtre et -on vient de l'apprendre- de pollonium qui devraient dissuader n'importe quel esprit logique d'en acheter?
Pourquoi s'adonne-t'on à l'alcool?
Pourquoi les Français consomment-ils tant d'anxyolitiques et d'anti-dépresseurs?

Peut-être conviendrait-il d'aborder clairement l'aspect plaisant des substances nocives, avec ainsi plus de chances d'aborder le dialogue?
L'héroïne doit forcément, comme tous les toxiques dont on sait qu'ils détruisent, être très agréable à consommer au début. On peut penser que les toxicomanes, surpris par l'effet, se croient toujours capables d'arrêter quand ils le veulent. Nous avons nous-mêmes vus en Afghanistan et au Pakistan et pour une part, en Inde, comment de la consommation traditionnelle du haschich, la population était passée dans les villes à la morphine, et la rapidité des ravages occasionnés.

Combien de gens à qui l'on avait dit que la marijuana rendait dépendant dès les remières bouffées ont-ils compris qu'on leur mentait, et sont passés à l'héroïne en pensant que la nocivité n'était pas pire?

Vous avez raison de penser qu'un investissement massif est nécessaire, mais peut-être conviendrait-il d'abord d'offrir aux populations les plus jeunes des perspectives de développement personnel adaptées à l'intensité du vécu adolescent?
Une société moins oppressante, moins orientée vers une solitude commune, moins poussée, pour des raisons industrielles, vers l'ostracisation intergénérationnelle?
Peut-être faudrait-il réfléchir aussi au contenu de tous ces extraordinaires contenants que sont les objets high-tech, tels que les portables, les consoles (certains jeux sont définitivement nocifs, alors qu'une plateforme particulière favorise enfin l'activité commune entre générations)?
Favoriser tout ce qui constitue un échange, au lieu de pénaliser (la tarification des SMS) et criminaliser à outrance (les téléchargements de musique) les comportements nouveaux?

 


un autre | Le Vendredi 07/11/2008 à 21:55 | [^] | Répondre

Re:

- Pourquoi ne pas considérer les individus libres et responsables, pour eux-mêmes et pour leurs enfants mineurs ? Il est tellement facile de se procurer de la drogue que les dégâts ne seraient pas beaucoup plus grands. Les trafic et ses revenus disparaitraient face à la production et à la distribution légales (il n'est pas certains que les trafiquants ne se rabattent pas sur d'autres activités socialement nocives), mais le coût social de la lutte anti-drogue disparaîtrait au profit de la prévention et des soins.

- Si l'interdiction est maintenue, il y aurait sans doute de nouveaux moyens à mettre en place. Par exemple,  l'élimination des zones de non-droit en France, ou le contrôle des activités financières et économiques individuelles. Les implications sur les libertés individuelles existent, mais il y a de la marge quand on se rend compte que la vente et la consommation ont très souvent lieu en toute impunité et au vu de tous.

 


complex | Le Samedi 08/11/2008 à 10:30 | [^] | Répondre

Re:

Vous avez raison.
Dans une démocratie, une loi qui n'est pas respectée n'est pas une bonne loi. Elle a beau avoir été instituée ou maintenue par les représentants élus, elle cesse d'être une loi démocratique.
Il faut voir par ailleurs que l'évolution de nos sociétés se tourne de plus en plus vers une coutume et des lois "d'usage", comme celà était d'ailleurs le cas dans les temps anciens, où l'us prédominait sur la loi écrite.

Le comportement utilisateur doit cependant être encadré, d'une façon qui reste à inventer.

La proactivité serait souhaitée, dans un domaine où seule une réactivité surmédiatisée et souvent simpliste fait office de politique.

 


un autre | Le Samedi 08/11/2008 à 13:53 | [^] | Répondre
 
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