Copenhague: perspectives stratégiques
Alors que le sommet de Copenhague était censé représenter une sorte de Kyoto II + les USA , la précipitation et un étonnant manque de vision stratégique ont conduits les Américains et principalement leur président, à en faire une sorte de rencontre quasi-conflictuelle du G2, à savoir USA versus Chine .
On savait, plus d'une semaine avant la rencontre au sommet, qu'aucun accord de fond ne serait signé ni même discuté sur l'enjeu premier de cette réunion. Plutôt que de tenter de parvenir à une politique globale visant à freiner, voire même faire reculer la production d'effet de serre et de réchauffement climatique , ils se sont livrés à des manoeuvres de couloir classiques et dépassées, sans réaliser que le regard qui leur était porté allait changer profondément.
D'abord parce qu'il est apparu que les Occidentaux avaient surtout en tête de négocier des droits de pollution et d'amener les gros pays émergents (la Chine ,l'Inde , le Brésil) à juguler leurs conséquents taux de croissance, sans reconnaître les efforts réels de Brasilia (tout de même un précurseur en bio-carburant) et de la Chine , laquelle depuis deux ans ne ménage pas ses efforts, notamment en recherche de protection, de retraitement et d'assainissement des eaux par exemple.
Ensuite parce que les petits pays, s'ils réclamaient certes une aide financière, voulaient également un véritable changement des politiques économiques et énergétiques des pays riches dans le domaine des importations, du crédit et des régulations, conditions nécessaires à un changement de modèle de croissance.
Or, ce changement est toujours considéré par les multinationales comme profondément contraire à leurs intérêts, et donc par extension contraire aux finances des pays riches.
Alors que s'approchait la date du sommet et que se dessinait de plus en plus la perspective d'un échec diplomatique, les différentes puissances ont entamé des opérations de relations publiques variées et à courte vue.
Le président français a joué sa carte personnelle après avoir essayé vainement d'associer le Brésil à la France, et a parlé si fort - pour ne rien dire d'essentiel- qu'il est parvenu à assourdir la voix de l'Europe , laquelle n'a pas été conviée par Obama dans sa recherche de déclaration finale (les invités étant la Chine , l'Inde , le Brésil et l'Afrique du Sud).
Exit l'Europe .
Puis, tandis que les responsables américains tentaient pendant plusieurs jours de rejeter la responsabilité de l'échec de Copenhague sur une supposée obstruction rigide de la Chine , son Premier Ministre, Wen Jia Bao en profitait pour multiplier les contacts bilatéraux avec les principaux acteurs non-Occidentaux, parvenant même à se concilier les bonnes grâces de l'Inde , au moment même où Sarkozy commettait l'erreur de vilipender l'attitude de New-Delhi.
Au bout du compte, les USA ne parvenant pas à faire céder la Chine , chacun des deux fit sa petite déclaration pour la galerie tandis que leurs chefs, en se rencontrant en vis-à-vis, envoyaient au monde un message qu'ils risquent de regretter.
Celui d'un partage à deux des affaires de la planète.
Une telle posture ne peut qu'installer dans le marbre les rivalités entre le supergéant d'aujourd'hui et celui de demain et les enfermer dans une longue série de gesticulations conflictuelles.
Le bilan est donc peu brillant pour l'Occident:
l'Europe est apparue comme une succursale mercantile dénuée de pouvoir politique réel.
La Russie n'a pas existé.
Les USA ont crié haut et fort leur intention d'acheter la santé globale pour 100 Milliards (on leur en demandait 150, plus un changement complet d'attitude), sans résultat.
L'Amérique du Sud hors Brésil a trouvé des liens d'entente avec quelques pays d'Afrique et plusieurs pays d'Asie, qui amènera peut-être ce groupe à établir des liens plus formels et à signer des accords de coopération et d'échanges fructueux sans passer par les établissements financiers occidentaux.
Le Brésil et l'Inde se sont placés plus que jamais dans une position royale, qui leur permettra d'alterner les alliances et les accords tantôt avec les USA , tantôt avec la Chine , tantôt avec les G77.
En somme, les stratèges d'Europe et le stratège de Washington , non seulement ont failli dans la mission éminemment populaire de la lutte pour l'environnement, mais sont parvenus à faire dessiner une nouvelle carte géostratégique dont le monde n'a pas fini de mesurer les conséquences.
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