L'Europe.. Rubik's Cube des Nations?
suite à l'article "Allemagne-Russie: une alliance honteuse?"
Mots-clés : Allemagne , UE
On le sait, l'Angleterre et la France ont depuis 1908 une crainte commune: un trop grand rapprochement de l'Allemagne avec la Russie .
Tout le monde a un peu tiqué lorsque l'ancien Chancelier Gerhard Schröder a touché ses premières fiches de paye de cet important projet North Stream. Ce tuyau destiné à éviter Etats Baltes et Pologne en passant par la Mer Baltique, rendra plus interdépendants la Russie (pour ses exportations vers le reste de l'Europe ) et l'Allemagne (pour la garantie de son approvisionnement).
La chronologie manquait d'élégance. La cupidité était un peu trop visible mais surtout le basculement stratégique, tel qu'expliqué ici précédemment, avait de quoi inquiéter les pays membres de l'Europe .
Si d'un côté l'UE par ce biais n'aurait plus à redouter le détournement du gaz par l'Ukraine, la perspective de devoir affronter les intérêts -économiques, certes mais aussi politiques- réunis de Moscou et Berlin augurait pour les partenaires de Berlin autant de défaites prévisibles, et de soumission aux pressions, tarifaires et autres.
Bien sûr, la successeure et l'ex-chef de cabinet de Schröder, Mr Steinmeier (aujourd'hui aux affaires etrangères et rival SPD d'Angela Merkel) n'eurent de cesse de rassurer leurs alliés, laissant entendre qu'il s'agissait d'une affaire privée et que Berlin n'était pour rien dans la promotion de Schroeder.
N'empêche, le poisson était bien gros.
Le Président Français se retrouvait dans l'obligation de trouver rapidement une alternative.
La récente annonce qu'EDF rejoignait ENI (et Gazprom, toujours) dans le projet South Stream semble être la solution trouvée en l'absence de l'implication de Londres dans ce jeu des robinets de gaz .
Pourtant, une alliance de l'opérateur français avec le géant italien - un de ses principaux rivaux,- n'est guère rassurante: la stabilité d'ENI n'est pas à la hauteur de son volume et le jeu politique de Rome -fait de compromissions et faiblesses parfois coupables- envers Moscou a de quoi donner des cauchemars à tout gestionnaire de débit.
Et, dira t'on, Nabucco dans tout ceci?
Pourquoi ce projet de gazoduc européen qui se passe entièrement de Gazprom est-il soutenu du bout des doigts par les grands d'Europe , alors qu'il est fortement souhaité par les autres membres?
Doit-on y voir l'illustration éclatante de ce qu'est devenue l'Union Européenne à 27, à savoir d'un côté le club des gros, d'un autre le groupe de ceux qui espèrent - dans leur intérêt- en une Union véritable?
Après tout, les lignes de divisions,- bientôt de fractures- se font de plus en plus visibles: que ce soit l'OTAN , l'Europe de la Défense , le gouvernement économique fédéral, l'harmonisation stratégique, les alliances et regroupements industriels ou même le rôle du Parlement, les occasions ratées ne se comptent plus et témoignent d'un futur que craignaient les petits pays.
Le premier défaut majeur de Nabucco aux yeux de l'actuel hôte de l'Elysée est qu'il donne à la Turquie un moyen de pression considérable dans les manoeuvres d'Ankara pour entrer dans l'UE. Le deuxième est le temps: assurer la coordination de tous les pays engagés dans l'affaire n'est pas simple, et la fragilité de la Serbie vis-à-vis de Moscou fait de Belgrade un élément particulièrement instable.
Au chaud pour l'hiver?
De leur côté, les Russes savent parfaitement que leur principal atout (sinon le seul, comme la guéguerre avec la Géorgie l'a montré aux observateurs réalistes) est de pouvoir jouer du robinet: il ne leur reste vraiment que deux, voire trois hivers pour continuer leurs petits chantages et espérer gagner assez de temps pour monter en puissance.
Les deux prochains hivers vont donc être l'occasion de montrer quels sont les meilleurs joueurs, sachant que Paris ne peut s'empêcher de ressentir un certain malaise envers son principal allié outre-Rhin, soupçonné de, au choix: concussion, collusion, compromission ou même corruption dans son rapport avec le Kremlin.
Pour jouer, il faut connaître son risque
Vous décrivez un "Rubik's cube". D'après moi, il s'agirait plutôt d'une table de poker. Il y a toujours des naïfs pour être tentés par ce jeu. Seuls les plus forts s'en sortent : expérience, maîtrise, calme, long terme. Le poker, de plus, est un jeux d'individus. Pas de notion d'équipe.
La déliquescence de l'Europe politique est fort regrettable. Que peuvent attendre les nombreuses nations de ce petit cap de l'Asie, sans une économie fortement concertée, et une politique idem ? La France se croit toujours une grande puissance, alors qu'elle n'est, au mieux, qu'une Belgique un peu plus grande. L'Allemagne ose une défense de ses intérêts, après des décennies de silence obligé. Mais qu'est l'Allemagne ? un pays qui comptera de moins en moins (déclin démographique, déclin de compétivité dans la mondialisation). Ne parlons pas du Royaume-Uni, qui n'aurait jamais dû être accepté dans l'Union Européenne (un statut d'associé, comme celui que l'on tente de proposer à la Turquie, aurait fort bien convenu)
L'Europe, oui. Mais elle ne pourra commencer à exister qu'avec des hommes politiques habiles et courageux, possédant une vision, et capables de faire adhérer à cette vision aussi bien les institutions européennes, que celles de leur pays, et d'mporter la conviction de leurs électeurs. Est ce possible ? Pour le moment, la situation est désespérante. Certains (dont par ex. Hubert Védrine) en prennent acte. Leur froid réalisme n'est cependant pas, à mon avis, susceptible de contribuer, à moyen et encore plus à long terme, à la défense des intérêts de leur pays.
La Russie. On l'a décrite, il y a quelques années (avant l'arrivée au pouvoir de Poutine) comme un Congo doté de l'arme atomique. Immensité, ressources naturelles, position stratégique. La démographie en moins. L'intérêt des voisins de la Russie (Chine, USA ...) sera t-il toujours de contribuer à maintenir son intégrité territoriale ?
A vous lire, etc.
Fix | Le Dimanche 11/10/2009 à 12:02 | | Répondre