Le cycle de la Grèce


On admet communément que le concept de démocratie est né en Grèce; que la Grèce est intellectuellement, philosophiquement et politiquement à la source même de l' Technorati, à qui elle a d'ailleurs donné le nom.

L'Histoire, dont on sait qu'elle ne se répète pas, va dérouler l'épisode selon la dimension cyclique qui régit les affaires du monde.
La Grèce devrait en effet nous offrir le spectacle du délitement complet de l' Technorati moderne.
Elle en sera une des causes, mais non la seule puisque l'on peut plus ou moins arbitrairement penser que le Traité de Nice a constitué le début de la fin.
En acceptant l'élargissement de l'Union Européenne sans en modifier les statuts -principalement par le maintien de l'unanimisme, mais aussi en refusant d'avancer vers un gouvernement économique et diplomatique commun- les dirigeants de l'époque, dont les successeurs furent souvent les assistants ont anéanti la dynamique novatrice et créatrice d'une expérience unique dans l'Histoire de l'humanité, qui a vu 27 pays au passé chargé de multitudes de guerres mutuelles se lier et construire ensemble un territoire que l'on croyait partagé.

Alors qu'il n'était que commun.

Les plus importantes banques européennes se sont ruées sur le marché qu'offrait une couverture floue mais réelle de chacun par tous, et accordé des crédits à tout-va.
Certains les ont plus ou moins bien utilisés.
La plupart, enivrés par une manne qui semblait ne jamais devoir se tarir se sont mis à dépenser presque sans compter, et investir presque sans discernement.
Par manque d'imagination (le défaut le plus général et le plus patent de l'UE), par insuffisance intellectuelle et politique ou par nepotisme, plusieurs pays ont simplement dépensé des budgets dans le but de pouvoir en réclamer au moins autant ultérieurement.
On a ainsi vu fleurir des projets immobiliers indécents, inutiles, polluants, défigurants.
On a vu fleurir les autoroutes, qui sont des infrastructures certes utiles mais peu en accord avec une situation géopolitique où le Technorati, la course au Technorati et les délocalisations de l'industrie automobile auraient dû favoriser la construction de réseaux ferroviaires, de développement d'industries orientées vers l'autonomie énergétique.
Sur ce sujet-là au contraire, les projets rivaux et suicidaires de pipe-line directement branchés sur la Technorati ont exemplifiés l'égoïsme et la courte vue des politiques.
Quantité de projets dans les domaines de la Technorati, de la recherche scientifique, de la santé entre autres ont été démarrés et après avoir englouti de confortables sommes, ont été abandonnés ou réduits principalement du fait de réflexes nationaux voulant favoriser les groupes industriels locaux.
L'innovation en général, à laquelle des crédits fantastiques ont été alloués, (sans commune mesure avec les levées de fonds privés plus limités mais qui ont pourtant permis tant de réalisations outre-Atlantique) a souvent fait défaut à cause d'une bureaucratie démesurée sans contact avec la réalité, incapable de mettre en relation les différents ateliers ou labos.

L'UE a créé quantité de lois, de règles et de mesures, mais peu d'ouverture vers l'avenir, peu de chemins pour sa jeunesse.

Donc, c'est vrai, la Grèce a fauté.
Elle a fauté en construisant des projets inutiles, en favorisant le clientélisme inné au monde politique local, en renonçant au minimum de rigueur et de logique comptable, en falsifiant carrément ses livres.
Mais elle l'a fait sinon avec la complicité de ses voisins, du moins avec le concours de leur courte vue, occupés qu'ils étaient à nourrir leur popularité par l'accroissement de leurs propres dettes qu ileur permettait de cacher leur incurie soi-disant libérale.

Le froid de l'Automne
Aujourd'hui donc chacun comprend que la Grèce ne pourra jamais remplir le contrat passé avec l'UE, l'ECB et le Technorati.  Les principaux pays tentent de sauver leurs propres banques ridiculement exposées à la dette héllène, et les responsables sont terrifiés à l'idée désormais admise d'une faillite, voire d'une sortie Grecque de l'euro, éventualité qui n'a absolument jamais été envisagée, et qui risquerait de se produire dans un climat de confusion et de panique particulièrement dangereux.
Au dela du choc financier et économique auquel il faut s'attendre, l'éclatement de l'Union telle que nous la connaissons est dans tous les calculs, avec des conséquences politiques que l'on aurait considérées inimaginables il y a quatre ou cinq ans.
Ainsi le durcissement égoïste de certains pays nordiques qui va de pair avec une intolérance de plus en plus inquiétante envers l'étranger, va t'il s'opposer à la rancoeur et la frustration de pays du Sud dans lesquels la jeunesse peut à bon droit estimer qu'elle a été lésée de son avenir, et même de son présent, par les générations précédentes, assises sur les avoirs communs.
Les politiques du Nord comme du Sud, qui sont déjà totalement dépassés par la situation économique, vont démontrer leur égale impuissance devant les déchirements sociaux brutaux qui devraient survenir dans les mois, voire les semaines à venir.
Face à ce spectre le réflexe habituel consistera sans doute à pointer du doigt l'autre, le voisin, le partenaire, avec les risques de dérapage que les fondateurs de l'Union, les Monnet, Schumann, Adenauer, De Gaulle, etc voulaient absolument épargner à ce continent meurtri.
Il faut donc que l' Technorati et la France (peut-être aussi l'Angleterre) travaillent à remodeler une alliance sur de nouvelles bases, sachant qu'on ne pourra pas revenir à cette Technorati des Six qu'on appelait le Marché Commun.
Ce ne sont pas cependant les actuels chefs d'Etat, fragilisés par les échéances électorales, par l'esprit d'improvisation et le manque d'imagination des uns, la rigidité et le repli sur soi des autres, qui semblent à même d'y parvenir.
Il faudra pourtant absolument éviter à l' Technorati le passage par une période de violence, dont on peut craindre qu'elle ruinerait l'ensemble de l'édifice.
Il faudra aussi veiller à ce que certains dirigeants de faible envergure politique, apeurés par l'ampleur de la crise, ne cèdent à la dérive totalitaire déjà perceptible ici et là.

Pour paraphraser Churchill on pourrait dire que les chefs d'Etat de l'UE ont préféré la croissance économique à la construction politique, et qu'ils n'auront ni l'un ni l'autre?



Commentaires

évènements

Pourquoi la reconstruction de l'Europe sous l'impulsion des seuls "grands pays" serait elle souhaitable ? N'est ce pas la volonté de leadership de chacun de ces pays qui aboutit aujourd'hui au désordre ? Un plus grand poids des "petites nations" dans les décisions à venir n'est  elle pas la garantie d'une europe moins économique et plus politique ? 

 
 

 


jean | Le Jeudi 08/09/2011 à 12:08 | [^] | Répondre

Re: évènements

Bonjour Jean,
une réponse claire et simple à votre suggestion serait bienvenue. Hélas, il semble que les données soient multiples et parfois paradoxales, aussi faut-il définir d'abord à partir de quelle dimension on peut aborder le problème complexe d'une UE remdélisée.
Tout d'abord la contribution des grands pays (la France, l'Allemagne l'UK) est indispensable au vu de leur influence internationale et de leurs poids économiques, donc stratégiques.
Ensuite dans cette période de crie aigüe, il semble primordial que des initiatives fortes soient proposées, et qu'elles soient puissamment appuyées.
Si on peut convenir que ce n'est pas l'importance démographique qui compte, on doit aussi accepter de reconnaître que la règle de l'unanimisme qui accorde à un petit pays comme Malte ou Chypre (tronquée de sa partie Turque!) autant de voix qu'à l'Allemagne fausse le jeu, simplement parce que les éléments pris en compte dans la politique d'un de ces micro-pays ne sont évidemment pas les mêmes que celui du premier exportateur mondial, Berlin.
Les uns jouent dans la cour intérieure, les autres dans le forum planétaire.
Vous semblez avec raison appeler de vos voeux une Europe plus politique. Or certains des principaux éléments pde la politique ne sont-ils pas l'économie, la diplomatie, la défense? Nous avons assez évoqué la première mais celle-ci est dépendante des deux autres, comme vous le savez certainement.
Simplement parce que le poids politique se mesure aussi à la capacité de projectiond'un pays ou d'une alliance.
C'est une des raisons pour laquelle la France a concédé autant de rabais à Londres, qui est le seul autre acteur de niveau mondial avec Paris à pouvoir peser (même si de moins en moins) hors d'Europe.
La défense
A une époque où les principaux états-majors semblent s'inquiéter de l'éventualité d'un conflit majeur vers les années 2015 ou un peu plus tard, l'Europe sans diplomatie unie, sans défense militaire, sans renseignements de dimension continentale, ne pèsera rien.
La lecture de l'Histoire regorge de ces nations engraissées mais sans défense.
Si comme l'a rappelé Robert Gates dans son discours d'adieu au poste de Secrétaire à la Défense, l'Europe est sans défense ce n'est pas seulement parce que la majorité des pays ne le veulent pas, c'est qu'ils ne le peuvent tout simplement plus (exemple la Belgique qui aujourd'hui ne peut plus faire voler simultanément que deux chasseurs, ou la Hollande qui s'apprête à vendre 2 des 4 nouveaux batiments qu'elle va recevoir et à réduire ses forces d'un tiers).
La diplomatie
Bien que les raisons qui ont mené l'OTAN a attaquer la Lybie ne nous semblent pas être justifiables dès lors qu'on va remplacer un tyran par un autre (au mieux, car le pire et le plus probable est une balkanisation de ce pays) on ne peut s'empêcher de regretter la façon maladroite dont l'Allemagne s'est dégagée de la solidarité qu'elle aurait pu faire semblant (comme elle le fait en Afghanistan) de manifester envers ses partenaires privilégiés.
La diplomatie allemande est en effet pataude et inspire peu de confiance.
Les déclarations hollandaises, finlandaises, danoises ou polonaises, absentes face à la déplorable situation de la Grèce ne laissent pas augurer d'une volonté de collaboration à l'échelle européenne (on hésite à évoquer la Slovaquie, la Bulgarie, la Roumanie gangrenées par la corruption; les Etats Baltes enfermés dans une confrontation avec la Russie, etc). Pour l'instant c'est du "d'accord pour un drapeau avec plein d'étoiles mais nous ne sommes pas solidaires de ces lointains voisins si nous n'avons pas d'engagements économiques avec eux".

Bien sûr, on pourra objecter que ces pays sont irrités de l'attitude des Européens membres du G8, toujours prompts à prendre des décisions pour eux. Mais l'atomisation actuelle face à la crise de la dette, les déchirements de leur politique intérieure devant le problème de l'immigration et le repli sur soi qu'ils entraînent ne permettent guère d'attendre de leur part d'initiatives profitables à tous.

 


un autre | Le Jeudi 08/09/2011 à 13:18 | [^] | Répondre

remodelage ?

Bonjour « un autre »

J'entends bien vos arguments et n'ignore pas la nécessité de peser pour compter ou encore l'artifice d'une indépendance politique sans le poids des armes et de la richesse . Il me semble cependant que la reconstruction d'une Europe par les seuls grands (les petits , on leur demandera leur avis plus tard ?) irait à l'encontre de nos intérêts . Mettrions nous alors à nouveau 60 ans pour atteindre la taille critique du point de vue économique et sans doute géostratégique ? Ceci aurait il pour conséquence de voir naître de nouveaux conflits à la périphérie d'une zone homogène ? Ceci aurait quelles conséquences monétaitres ? Il ne s'agit pas d'occulter les blocages actuels qui sont largement la conséquence des règles de fonctionnement de l'UE et de la zone Euro ( celui qui comprend qui décide de quoi dans ce foutoir me fait signe) . Il s'agit plutôt de mieux respecter les identités quelle que soit la taille des partenaires . L'exemple récent des garanties demandées par la Finlande aux Grecs en contrepartie d'un soutien au plan d'aide montre bien que de petits pays qui se sentent exclus de la gouvernance savent alors trouver les parades qui les protègent individuellement mais sont néfastes collectivement. Faire évoluer le mode de fonctionnement de l'UE, redéfinir le rôle de la BCE, accepter la gouvernance économique (ce qui relativise l'importance des élections présidentielles en France)  ; voilà des initiatives qui pourraient débloquer la situation . Bien sûr ceci demanderait aux « grands » de lâcher un peu de leur pouvoir national et c'est sans doute là que le bât blesse …

Mais peut-être ai je mal compris le sens de de ce que vous (tu) laissiez (laissais) entendre par « remodelage d'une alliance » .

Jean , johnewan etc :-)

 


jean | Le Jeudi 08/09/2011 à 18:48 | [^] | Répondre

Re: remodelage ?


D'un point de vue philosophique et selon la posture initiale de la démocratie chaque voix -si petite soit-elle, - devrait en effet compter.
Nous savons pourtant que dans une situation critique de dimension tectonique, c'est l'intérêt des masses énérgetiques dominantes qui prévaut sur les entités plus petites.
Nous sommes actuellement soumis, du fait du dérèglement financier qui incite les "traders" (on va utiliser ce terme pour faire simple) à jouer l'instabilité, au jeu de la patate chaude.
Cette partie se joue entre blocs (en gros on dira qu'il y a les USA, l'Europe, la Chine, les BRIC (dont on exclut ou inclut la Chine selon les circonstances) le Japon. On y ajoutera la Corée et d'autres pays de l'ASEAN même s'ils jouent une partie à main fermée, ne prêtant leur concours que dans une optique passive.
Après la déconfiture américaine de 2008 et malgré les effets oratoires du président Obama, le passif des principales banques n'a pas été réglé et la Fed a fait chauffer la planche à billets ($900milliards, puis plus de 700, puis aujourd'hui plus de 400). Afin d'éviter de devenir la cible des traders et du principal créancier mondial, à savoir la Chine,les USA ont rapidement et subtilement pointé le projecteur sur les déséquilibres européens.
Ils ne pouvaient le faire sur le Japon qui détient toujours malgré sa propre dette, environ un $milliard en Treasury bonds.
Et ainsi de suite.
Tout ça pour dire que l'affrontement se fait à une échelle gigantesque, et que les petits pays européens sont parfaitement inaudibles, sauf à jouer les grains de sable:

..."L'exemple récent des garanties demandées par la Finlande aux Grecs en contrepartie d'un soutien au plan d'aide montre bien que de petits pays qui se sentent exclus de la gouvernance savent alors trouver les parades qui les protègent individuellement mais sont néfastes collectivement"...

Fort bien dit.
C'est ce qui va pousser les leaders des trois grands pays européens à devoir choisir: soit les utiliser pour se bloquer mutuellement, soit les mettre de côté.
Malheureusement les motivations actuelles des Finlandais, poussés comme les Slovaques* et les Hollandais par des minorités de blocage à caractère populiste sont tellement à courte vue que les leaders européens devraient opter pour la seconde solution.
A ce sujet, il est paradoxal qu'un des leaders européens ayant démontré depuis trois ans le plus de vision, de largeur d'esprit et d'intelligence de la situation soit l'ancien premier ministre du Luxembourg, l'un des plus petits pays de l'UE (même si ce pays détient le record du nombre de banques au km²)

*corrigé faute de frappe

 


un autre | Le Jeudi 08/09/2011 à 20:16 | [^] | Répondre
 
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