Un tiens veut dire que trois tu l'auras (2ème partie)
des élections qui n'engagent pas l'élu
Ne pouvant pas s'allier ouvertement avec les Islamistes, le Musharraf nouveau doit absolument repeindre la façade.
Il a donc annoncé devant les micros du monde entier que les élections se tiendraient au plus tard le 15 Février 2008. Non seulement leur résultat ne fait aucun doute, mais le gagnant déjà désigné n'est légitimement pas éligible.
Après avoir (illégalement) révoqué la Cour Suprème, le général-président a tenté d'en reformer une. Au jour d'aujourd'hui seuls cinq juges (sur les 17 nécessaires) ont prêté serment.
La société civile dans son ensemble rejette le coup de Musharraf pour des raisons politiques, bien sûr, mais aussi économiques. Alors que le pays semblait enfin redécoller, et malgré les nombreuses attributions de postes-clefs donnés à des généraux dans les grandes entreprises d'etat ou dans l'Administration, les entrepreneurs espéraient pouvoir appliquer au Pakistan certaines des recettes ayant bénéficié au grand voisin, l'Inde , ainsi qu'au vieil allié, la Chine .
L'instabilité soudainement créée par la révélation brutale que Musharraf s'allierait au diable pour sauvegarder sa situation personnelle n'incite guère les investisseurs à s'engager.
Les professions libérales, l'immense partie de la population tournée vers la modernisation du pays et effrayée par la montée de l'islamisme rétrograde venant de l'Ouest, de plus en plus déçus par l'attitude des Etats-Unis attendent maintenant que quelqu'un règle son compte au dictateur+, devenu infréquentable.
Un général peut-il en cacher un autre?
La troupe
Pendant que l'Etat-Major envoie vers le Waziristan et les autres régions talibanes plusieurs dizaines de milliers de soldats aguerris précedemment postés au Cachemire, la tentation sera grande pour faire un petit arrêt à Islamabad.
Il faudra de toutes manières faire le ménage dans les rangs, une part considérable des troupes étant dorénavant plus portée au refus de combattre l'Islamisme qu'à suivre les instructions de Washington , ce que le Musharraf ancien parvenait à dissimuler.
Or, la fragilité évidente du Pakistan change la donne dans les pays alentour, et la perspective d'une puissance atomique ingérable ou susceptible de tomber dans les mains d'un radicalisme Sunnite entraîne une réaction immédiate:
Les voisins
L'Iran Chiite n'a plus aucune raison de ne pas chercher à transformer aussi vite que possible son projet de nucléaire civil en nucléaire militaire. Cette nouvelle urgence de Téhéran accroitra la crispation d'Israël .
Tel-Aviv, justement, verra dans ce changement d'Islamabad la possible naissance d'un fait nouveau: pour la première fois, le Pakistan pourrait , en quittant la sphère Américaine, se transformer en une puissance adverse d'une taille et d'un niveau militaire hors de commun avec ses habituels ennemis Arabes. Israël ne pourrait pas, de plus, envisager une alliance avec un adversaire nucléaire contre l'autre.
L'Afghanistan deviendrait evidemment un piège mortel pour les troupes de l'ISAF, autrement dit de l'OTAN et de Washington : soit il leur faudrait monter en puissance, ce que ne veulent pas les Européens (en dehors des Anglais qui jusqu'ici sont les seuls à manifester leur compréhension de l'enjeu capital que représente ce pays) et intervenir directement dans les provinces de l'Ouest où se réfugient taliban et autres Al Qaeda , soit il faudrait plier bagage.
Dans une telle optique on peut supposer que la Russie proposerait une alliance aux Occidentaux, ou un appui séparatiste aux Ouzbeks et aux Tadjiks; cette deuxième alternative serait potentiellement grave.
Mais à la réflexion, les autres options aussi.
L'Inde , bien sûr, s'inquiète de ce nouveau développement. Alors qu'elle avait réussi avec Musharraf à établir des échanges constructifs, une radicalisation pakistanaise entraînerait automatiquement un raidissement que l'instabilité des derniers jours a déjà entamée, l'Armée Indienne et son aviation ayant modifié l'emplacement de quelques unités d'action rapide. La ratification du traité de coopération nucléaire avec les USA tomberait d'elle-même à l'eau.
La Chine par contre, tout en restant attentive, ne peut que se réjouir de ce surcroît d'inquiétude de la part de New-Delhi, ainsi que de l'impuissance aggravée de son principal rival, Washington . Pour autant, ses difficultés avec la communauté Ouigoure ne pourraient que prendre de l'importance si le pouvoir d'Islamabad tombait entre les mains d'un expansionniste de l'Islam radical.
Nous suivrons le reste de ce dossier dans un troisième billet
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