Un tiens veut dire que trois tu l'auras (suite et fin)
Avec ou sans Musharraf
EDIT: une fausse manoeuvre a empêché cet article d'être publié hier: mille excuses
Musharraf n'a plus beaucoup d'options devant lui.
Obéissant à la panique et à une méconnaissance profonde de la réalité du pays après avoir naïvement cru que l'état d'urgence destiné à renouveler la Cour Suprême suffirait, il a cru qu'un coup de violence policière suffirait à calmer les protestations internes.
La fronde spectaculaire des avocats a changé la donne: l'image de centaines d'hommes de loi en costume-cravate brutalisés ne passe pas dans un pays comme l'Amérique où le Droit est primordial.
Le nouveau revirement de Buttho, prête à s'allier aux autres partis politiques indique que l'ancienne Premier Ministre a saisi l'ampleur des dégâts: alors qu'une association avec le général était possible il y a seulement douze jours, elle risque de tout perdre par une mésalliance.
L'Etat-Major peut aussi se demander si l'opportunisme bien connu de la patronne du PPP n'indique pas qu'elle aurait reçu des assurances de Washington ?
Bref, l'angoisse ne fait que monter autour du général-président, qui a de plus commis l'erreur de procéder à l'échange taliban -soldats au même moment.
Tout aujourd'hui se résume à la question: Musharraf, humilié, va t'il rester au pouvoir?
Pervez Musharraf insiste
Il peut espérer jouer le pourrissement.
Sachant que Buttho ne peut risquer un meeting dans la rue sous peine d'attentat-carnage, le chef de l'Etat devrait tenter de reprendre des négociations avec elle, en lui accordant de plus grandes concessions.
Il peut saisir l'opportunité éventuelle bien pratique d'un attentat pour se réaffirmer, contre toute évidence, comme le rempart anti-islamiste qu'il a jusqu'ici fait semblant d'être.
Un incident frontalier de grande ampleur au Cashemire pourrait l'aider, mais les récents transferts de troupes évoqués dans le billet précédent, sans exclure cette provocation, rendraient délicate cette stratégie.
Il peut durcir le régime en lâchant les brides à l'ISI et à certains groupuscules, ou en décrétant la loi martiale (la police est en effet de plus en plus réticente). Ceci nécessiterait cependant une purge délicate au sein de l'Etat-Major. De plus, cette fuite en avant ne trouverait guère de soutien, même en Chine .
Pervez Mussarraf recule
Soit il se cantonne au rôle de chef de l'armée , mais alors ce serait une reculade humiliante. Ses pairs ne sauraient tolérer de passer pour des pantins de second choix et il faudra peu de temps pour qu'un conseil d'officiers supérieurs ne l'évince.
Soit il abandonne carrément les rênes du Pouvoir. Cette dernière option implique que des messages très persuasifs (sur sa vie, celle de sa famille ou sur le gel de ses avoirs à l'étranger) lui parviennent.
Dans l'un et l'autre cas, il lui faudrait mettre en avant la démocrate de service, qui ne devrait pas être capable de rassurer tout le monde, malgré ses atouts apparents.
La fille du Président Buttho pendu n'a pourtant pas que des ennemis chez les Islamistes, puisque c'est sous son premier gouvernement que le Pakistan a accordé refuge, assistance et logistique aux mouvements qui combattaient le pouvoir Afghan.
Elle est très télégénique et les masses Occidentales (pas les gouvernements), séduits par son courage et la qualité de son expression en langue anglaise, seraient persuadés d'avoir en elle l'alliée que Musharraf n'est plus en mesure de représenter.
Pourtant, il faudra peu de temps pour que se liguent contre elle aussi bien les anciens bénéficiaires du système Musharraf, que les vrais démocrates dont les partis se seront vus complètement ignorés (même si elle s'allie avec le parti de Sharif).
Sans même parler des Islamistes rétrogrades ou que les néo-taliban . Même si Ben Laden a mis à prix la tête de Musharraf, il exigera d'avoir les mains libres dans l'Ouest du pays.
De nouvelles élections générales pourraient être organisées mais leur préparation prendrait du temps, un tems qui ressemblerait beaucoup à une veillée d'armes.
Enfin, il y a les options-catastrophes.
Un conflit au sein de l'Armée est possible tant les différences de traitements, d'origines et de préférences sociales et politiques sont grandes
entre
- les différents Corps d'Armée
- les officiers généraux et les officiers supérieurs
- les jeunes officiers et les anciens
- les troupes d'élite et les soldats de base
Un conflit armé entre les militaires et l'ISI, soutenu par les Islamistes.
Une insurrection Pashtoune, toujours en veilleuse.
Que le Pakistan demeure ou non en première page des journaux, il restera au premier rang des préoccupations dune bonne vingtaine de chefs d'Etat.
Dans la politique-fiction, on peut aussi imaginer que ceux qui souhaitent attaquer l'Iran proposent à Musharraf de le sauver s'il crée un incident-frontalier majeur avec Téhéran, en l'assurant qu'il aurait le soutien des Sunnites (ce qui est faux, car l'Arabie Saoudite et les Emirats ont déjà clairement signalé leur souci de retour au calme), des Israeliens (ce que ne semble pas opportun au moment où la non-conférence sue la paix au Moyen-Orient est censée se tenir), ou d'une partie extrêmiste actuellement proche du Président Bush.
Si des lecteurs ont d'autres scenarii-catastrophes ou happy-ending, qu'ils le disent!;-)
option-catastrophe
A la faveur d'un conflit au sein de l'armée, l'arsenal nucléaire pakistanais peut-il passé, pour partie tout au moins, entre les mains des islamistes ?
On se souvient du fameux docteur Khan qui avait réussit à corrompre des militaires, il y a cinq ans je crois...
IC | Le Vendredi 23/11/2007 à 18:28 | | Répondre