La mauvaise évaluation (quant à son incertitude, sa durée et sa brutalité) du conflit interne Syrien par ses voisins et les chancelleries occidentales risque de voir tout l'environnement basculer dans une succession incontrôlable de micro et macro aventures guerrières.
Un déplacement des intérêts, des dangers et des perspectives est déjà visible; des renversements d'alliance s'opèrent; des montées et des descentes en puissance changent la (les) donne.
Petit tour non-exhaustif des participants:
Turquie
Il semblait à Erdogan qu'il disposait en fustigeant Assad d'une opportunité -s'ajoutant à sa spectaculaire brouille avec Israël -pour devenir le héros des masses musulmanes du Moyen-Orient.
Voilà que la guerre civile s'éternise, que ses villages frontaliers subissent des attentats, que le nombre de réfugiés syriens suscite des rejets.
Tout ça est très mal vu des investisseurs qui étaient jusqu'ici attirés par les taux de croissance élevés du pays.
Là-dessus, il devient de plus en plus clair que l'armée Turque dont l'état-major a subi de profondes purges est peu flexible, pas très efficace, balourde et peu motivée, ce qui ternit l'aura du pays.
Connu pour son entêtement et sa tendance à la jouer en solo, Erdogan n'en a pas moins avalé son chapeau en renouant (en catimini et sous la pression US) le dialogue avec Israël , perdu de son lustre auprès de la population (les manifs à Taksim) et que des tensions apparaissent même entre les chefs de son parti.
S'y ajoute ainsi qu'on l'évoquait la rivalité de plus en plus préoccupante avec Téhéran.
Irak
Les USA font semblant d'avoir rempli leur contrat avec l'Irak : avoir amené la démocratie et quitté le pays une fois le calme revenu.
De démocratie il n'y a guère puisque les chiites ont pris le pouvoir en rognant considérablement ceux des sunnites et des Kurdes (lesquels ont par ailleurs quasiment pris leur indépendance, mais c'est matière à un autre sujet. Le clan Maliki n'est pas disposé à partager.
De calme il n'y a pas tellement puisque le rythme des attentats est tel qu'on compte autant de victimes par mois en 2013 que dans les pires moments de 2006 (environ mille par mois, un chiffre qu'il conviendrait de considérer attentivement).
D'autant que l'Irak constitue un des couloirs préférés par où passent les armes depuis l'Iran vers Damas,et qu'il devient de plus en plus clair que Baghdad est maintenant un joueur autonome prêt à former un grand bloc chiite, ce qui est quelque peu inquiétant pour l'Arabie Saoudite , la Turquie , les USA et Israël .
Iran
Tant que la guerre civile continue et qu'Assad s'accroche, Téhéran dispose d'un levier puissant dans les discussions (qui s'affaiblissent d'ailleurs) tournant autour du nucléaire . On retrouve aussi ce qu'on a appelé "le Grand jeu" quand la Russie tsariste s'opposait à l'Empire britannique pour la mainmise d'Asie Centrale, mais cette fois ce n'est plus une marionnette qui détient le pouvoir persan, et l'on commence à jouer avec la carte des ambitions d'une Russie avide de retrouver son lustre passé.
S'y ajoute la donne d'un Hezbollah certes moins autonome mais pour l'instant toujours aussi fort militairement (bien plus que l'armée syrienne, ce qui ne laisse pas d'inquiéter Tel-Aviv même si la capitale isarelienne espère que le bourbier syrien finisse par affaiblir l'armée du Parti de Dieu et réduise considérablement son aura auprès des Arabes).
Israël
Pour une fois, l'équipe au pouvoir est parvenue à demeurer discrète.
C'est tout à son avantage dans une partie dont il est de plus en plus dur de prévoir les étapes futures. Bien sûr, quelques démonstrations d'artillerie et de missiles tirés depuis ses avions ont rappelé à Damas et alentour la qualité de frappe de Tsahal , mais Israël est suffisamment inquiète et informée pour se rendre compte qu'un geste de trop pourrait troubler l'actuel conflit qui nuit tant à ses adversaires de toujours.
Car inquiète, Israël peut l'être: pour une fois elle n'est pas du tout l'acteur qui imprime le mouvement.
Après avoir raté les occasions de se rapprocher de certaines capitales du Moyen-Orient lors du "printemps arabe", elle n'ignore pas que ceux qui actuellement s'entretuent pourraient bien se retourner contre elle en cas de déconfiture trop flagrante ou d'arrangements destinés à sauver la face.
Russie .
L'invitée inattendue. D'un point de vue stratégique et diplomatique, Moscou est pour l'instant le grand gagnant de cette boucherie. En s'opposant depuis le début à toute éviction de Bachar al Assad et en lui fournissant les moyens de résister (voire de vaincre) elle est parvenue à réintégrer franchement le débat.
Tout le monde occidental s'était offusqué de l'appui russe à un tyran massacreur, condamnant même l'ex-puissance soviétique d'oublier toute humanité afin de vendre ses armes et d'ainsi gagner quelques millions.
C'était ignorer l'énorme ardoise de la Syrie, incapable depuis longtemps d'honorer ses factures.
Aujourd'hui, devant l'inconsistance américaine et la faiblesse européenne la Russie est le seul acteur étranger à peser sur le conflit, au point où elle a atteint le statut d'égal des USA , un état qui ne lui était plus arrivé depuis des années.
USA
Que dire qui ne soit manifeste? Le président Obama semble une nouvelle fois démontrer sa faible capacité à négocier et jouer du rapport de forces. Après ses reculs devant Al Maliki d'Irak , devant Hamid Karzai d'Afghanistan , Netanyahu d'Israël , il se retrouve en position étonnament affaiblie face à un Poutine qu'il lui aurait été pourtant facile de réduire au silence il y a deux ans.
On peut dorénavant craindre que l'Amérique abandonne hypocritement la direction des opérations à Israël ou, au contraire, surcharge militairement sa réponse, avec la finesse du pied de géant dans la fourmillère et les conséquences dramatiques habituelles.
Quelque soit l'avenir de la farce-conférence de Genève 2 Moscou pourrait bien, si les USA la jouent aussi mal que ces trois dernières années, influer sur chaque étape de la politique de cette région du monde.
Un cauchemar pour la Turquie , une obligation pour l'Europe de reconsidérer sa politique (sic) de défense , et des répercussions énormes dans le jeu stratégique en Asie, où le spectacle d'une Amérique pataude ne pourra que jouer en faveur des Chinois.
Bonneteau du Moyen-Orient
le Rubik's cube autour de Damas
Mali, ou la dévaluation de l'otage
une nouvelle phase dans l'assymétrie
Lorsqu'ils sont survenus, les deux éléments rapprochés dans le temps qu'ont constitués l'intervention française au Mali pour stopper les djihadistes (uniquement dénommés "terroristes" par le président français) et la prise d'otage massive d'in Amenas en Algérie, les principaux observateurs n'ont pas relevé un point commun fondamental dans la réponse des gouvernements français et algériens: l'éventualité consentie du sacrifice des otages.
L'Algérie avait toujours pratiqué cette réponse aux demandes de ravisseurs, alors que la France entre autres pays dits "avancés" s'était soumise, souvent pour plaire à l'opinion publique, aux diktats des rançonneurs, entretenant par là leur financement, ce qui revenait à payer la corde pour se faire pendre.
Cette étonnante et absurde faiblesse des Occidentaux relevait de la doctrine US du zéro mort en cas de conflit (doctrine issue de l'opération ratée à Mogadiscio), une attitude que n'avaient pas manqué d'observer les différents groupuscules armés amenés à lutter contre des entités étatiques par ailleurs surpuissantes.
Or voila qu'en décidant d'envoyer des troupes et des avions de combat sur le terrain du Mali alors même que sept otages français y sont détenus, le président Hollande a pris non seulement une décision qui demande un certain courage politique, mais il a surtout fait un pas en avant peut-être décisif dans la relation Occident/Al Qaeda et consorts.
Il signifie ainsi à tout agresseur, et au monde, que la France ne marchandera plus et préférera voir le point de vue global plutôt que de se limiter à la "petite" actualité.
Les années précédentes ont en effet largement démontré, hélas, qu'un Etat en guerre ne pouvait privilégier la vie des otages au détriment de la situation sur le terrain.
Cela apparaît comme un pas conséquent, auquel visiblement les alliés de la France ne sont pas encore préparés (l'attitude du PM japonais protestant auprès de son homologue algérien, ou les remarques acides de Mr Cameron le démontrent), qui pourrait être facilité par le choc que constitue la prise d'otage sur le site gazier et la démonstration d'extrême brutalité des forces algériennes.
Sur un plan tactique, à charge maintenant aux Français, en créant un système d'intervention souple mais létal, de se démarquer le plus nettement possible des Algériens, lesquels ont envoyé des tanks lourds en plein désert pour une prise d'otages, démontrant leurs faibles capacités à graduer militairement leurs réponses.
On peut imaginer que les industries d'armement occidentales vont se saisir de ce contraste pour proposer tout un type de produits adaptés, de quoi relancer les carnets de commande et envoyer des messages vertueux à cette nouvelle façon de considérer la "lutte anti-terroriste".
Si l'attitude française est suivie, la balance entre les adversaires devrait être considérablement modifiée:
- Sur le plan intérieur, les Occidentaux tenteront de convaincre leurs populations que les otages ne peuvent plus être sauvés au prix de sacrifices stratégiques lourds;
- Sur le plan extérieur, ils apparaîtront un peu moins comme la vache à lait du ramassis de guerrilleros, combattants de la foi, trafiquants, gangsters vaguement idéologiques.
A l'heure où la débilité manifeste de l'UE est frappante qui voit l'Allemagne trembler d'avoir osé prêter un avion de transport à son principal partenaire, Paris; quand Mr. Cameron qu'on a connu plus audacieux se contente lui aussi de prêter des avions de transports tout en se rengorgeant que le Royaume-Uni a été le premier à venir en aide à la France, et jurer qu'il n'enverra pas de troupes au sol; quand le silence des deux pays européens aux premières loges -l'Italie et l'Espagne- est proprement assourdissant, on peut se demander si Hollande ne va pas saisir l'occasion pour peser plus fortement sur les autres sujets qui jusqu'ici animaient les sommets européens, comme l'économie .
Mai 11
13
Lybie: l'exposition de faiblesses européennes
Depuis environ deux mois qu'ont commencé les opérations militaires légales, illégales, ouvertes, dissimulées de l'Occident contre le régime de Kaddafi, plusieurs éléments inattendus des Etats-majors Anglo-Français sont apparus, à la grande désolation des chefs militaires et autres ministres, présidents et consorts.
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Sep. 10
22
la guerre est au centre du mondeLa date est en voie de finalisation
Mots-clés : Japon , Chine , Brésil , Inde , Corée , Russie , USA , Afghanistan
Une telle montée en force de toutes les marines asiatiques est la source de bien des inquiétudes, tant les conflits de frontières et les soucis de fluidité et de sécurité du trafic marchand sont nombreux, complexes et liés à d'anciennes (ou pas si anciennes d'ailleurs) haines et peurs. Bref, que ceux qui aiment miser à la baisse sur quatre ans choisissent bien leur terrain. |
Mars 10
17
La Mer en Rouge (2)le patchwork
Mots-clés : Brésil , Erythrée
On voit donc que de micro-local, le conflit comporte une dimension intercontinentale. Cette situation a un petit air de conflit des Balkans du début du XIXème siècle, dans lequel se forment des alliances à configurations variables. Israël , l'Arabie Saoudite , les USA , les Emirats et le Yémen du Nord l'Ethiopie , les USA Le Soudan , la Chine , Al Qaida, le Yémen du Sud L'Erythrée, le Yémen du Sud, l'Iran , le Pakistan La Russie , l'Iran , l'Inde Le Yémen (Sud et Nord) contre l'Arabie Saoudite et les USA . Ceux qui ont l'air de ne pas y toucher Quelques observateurs s'impliquent et s'inquiètent à des degrés divers (liste non-exhaustive):
On peut aussi envisager une petite visite du Brésil, de plus en plus enclin à se poser en médiateur de tout pour tout le monde, tout en en profitant pour vendre des armes. Nous verrons dans un prochain article les conséquences à prévoir de cette étrange bouillabaisse tactique et de ce patchwork stratégique bredouillant. |
Mars 10
15
La Mer en Rouge (1)une guerre alternative
Mots-clés : Erythrée, Yemen , Afghanistan , Al Qaeda , USA , somalie |
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